Nouveau taux de référence: allègement des loyers existants et interaction avec la politique monétaire
03 mars 2025
Le taux de référence a été abaissé de 1,75% à 1,50% le 3 mars 2025. Cette évolution résulte principalement des baisses de taux directeurs réalisées au cours de l’année 2024, pour un total de 125 points de base. Pour les locataires installés, cette diminution peut représenter un allègement du budget grâce à une réduction des loyers des baux en cours Parallèlement, elle devrait légèrement freiner la forte et persistante hausse des loyers de l’offre.
L’analyse suivante examine les causes et les effets de la baisse du taux de référence dans le contexte actuel de politique monétaire.
Calcul du taux d’intérêt de référence
Bien que les coûts de financement aient déjà nettement baissé depuis mars 2024, le taux d’intérêt de référence n’a été ajusté qu’en mars 2025. Pourquoi en est-il ainsi ? Pour répondre à cette question, nous examinons le fonctionnement et le calcul du taux d’intérêt de référence avant de mettre en lumière les effets d’une baisse du taux d’intérêt de référence sur le marché locatif suisse.
Le taux d’intérêt de référence correspond au taux d’intérêt moyen pondéré des hypothèques bancaires, arrondi au quart de pour cent. Il est important de noter que le taux d’intérêt moyen à la fin du trimestre précédent est toujours utilisé pour la fixation. Ainsi, le taux d’intérêt de référence de 1,5% publié le 3 mars repose sur le taux moyen de 1,53% enregistré au 31 décembre 2024.
Les banques suisses soumises à l’obligation de déclarer communiquent leurs crédits hypothécaires en cours à la BNS, ce qui permet de calculer le taux d’intérêt moyen. Le taux d’intérêt de référence représente ainsi les coûts de financement moyens. Si ces derniers augmentent en moyenne, le taux de référence permet d’augmenter les revenus locatifs; s’ils diminuent, les loyers existants baissent également.
Le taux d’intérêt moyen ne subit normalement que des variations lentes. C’est ce que le législateur a délibérément voulu pour stabiliser les loyers. Cette inertie s’explique par le fait que les hypothèques fixes de longue durée sont également prises en compte dans le calcul. Les hypothèques à taux fixe représentent environ 75 à 80% du volume des hypothèques. En supposant une durée des hypothèques fixes de 7 à 8 ans, seuls 12 à 15% à peine des hypothèques fixes sont refinancés chaque année. Cela ralentit l’adaptation du taux d’intérêt moyen.
En revanche, les hypothèques SARON, qui représentent environ 20 à 25% du volume des hypothèques, exercent une influence plus rapide. Pour ces financements variables, le taux d’intérêt est basé sur le taux SARON, complété par une marge des banques. Selon la solvabilité de l’emprunteur, celle-ci se situe entre 0,5 et 1,2% environ. Ces hypothèques s’adaptent en permanence à l’environnement de taux d’intérêt actuel et ont donc un effet plus rapide sur le taux d’intérêt moyen.
Évolution des coûts de financement et leur influence sur le taux d’intérêt moyen
Les coûts de financement ont sensiblement diminué avec les quatre baisses des taux directeurs de la BNS intervenues l’année dernière. Toutefois, en décembre 2024, les taux hypothécaires restaient à un niveau élevé par rapport à l’ère des taux négatifs. Selon les données de la BNS, une hypothèque fixe moyenne d’une durée de dix ans coûtait encore environ 1,71% lors de sa souscription en décembre. Les hypothèques à taux variable SARON étaient légèrement moins chères, à 1,66%.
Les hypothèques SARON ont exercé une pression plus forte sur la baisse du taux d’intérêt moyen. Comme le taux d’intérêt des hypothèques SARON est normalement adapté tous les trois mois au taux directeur actuellement en vigueur, les trois baisses du taux directeur déjà intervenues ont à chaque fois entraîné, avec un léger retard, des conditions plus avantageuses et ont fait que le taux d’intérêt moyen présente une tendance à la baisse depuis mars 2024. Cette évolution s’est poursuivie depuis la dernière publication du taux d’intérêt de référence en décembre (date de référence: 30 septembre 2024). Avec la baisse du taux directeur du 12 décembre 2024, les hypothèques SARON sont devenues encore plus avantageuses, rendant ainsi inévitable la réduction du taux de référence annoncée le 3 mars 2025.
En revanche, les hypothèques à taux fixe ont continué d’avoir un effet contraire. Celles-ci ont souvent dû être refinancées à des conditions plus élevées en 2024, malgré les baisses de taux. Cela s’explique par les taux d’intérêt plus bas auxquels de nombreuses hypothèques à taux fixe arrivant désormais à échéance ont été conclues pendant l’ère des taux négatifs. Ceux-ci se situaient souvent entre 0,8 et 1,5%, en fonction de la durée du crédit et de la solvabilité du débiteur. Le niveau actuel des taux d’intérêt continue de dépasser celui de l’ère des taux négatifs, ce qui a entraîné une hausse des coûts de financement lors des refinancements et a donc influencé le taux d’intérêt moyen à la hausse.
Dans l’ensemble, on constate à quel point les deux principales formes de financement hypothécaire ont un impact différent sur le taux d’intérêt de référence dans le contexte actuel. Alors que la flexibilité des hypothèques SARON a favorisé la hausse du taux d’intérêt de référence les années précédentes et sa baisse à présent, l’inertie des hypothèques à taux fixe a joué un rôle modérateur et stabilisateur.
Influence du taux d’intérêt de référence sur les loyers des baux en cours
La baisse du taux de référence à 1,5% annoncée le 3 mars 2025 donne à de nombreux locataires la possibilité de demander une réduction de loyer. Pour cela, il faut que le contrat de location soit basé sur un taux de référence de 1,75% ou plus. Pour les immeubles d’investisseurs institutionnels, environ deux tiers des contrats de location étaient couplés au taux de référence actuel de 1,75% au 3e trimestre 2024. La réduction du taux de référence de 25 points de base permet en principe une baisse des loyers des baux en cours de 2,91%.
Cependant, dans la pratique, la diminution des loyers risque d’être moins marquée. En cas de rénovations, par exemple, les coûts d’investissement peuvent être répercutés sur les locataires. De plus, les bailleurs sont autorisés à répercuter 40% du renchérissement accumulé depuis la dernière adaptation des loyers ainsi que la hausse générale des coûts.
Qu’est-ce que cela signifie pour les contrats de location qui avaient été ajustés à la hausse lors du passage du taux de référence à 1,75%? En janvier 2025, l’indice suisse des prix à la consommation était supérieur de 0,6% à son niveau de décembre 2023. À cela s’ajoute l’augmentation générale des coûts, qui varie selon la région et les usages locaux entre 0,25% et 1,0%. En tenant compte de l’inflation accumulée et de la répercussion de la hausse des coûts, une demande de réduction aboutirait finalement à une baisse des loyers comprise entre 1,7% et 2,4%.
L’adaptation du loyer n’est pas automatique. Si les bailleurs ne prennent pas l’initiative, les locataires peuvent eux-mêmes agir et déposer une demande formelle de réduction de loyer. Or, dans de nombreux cas, cette demande n’est pas immédiatement mise en œuvre, voire pas du tout. Il en résulte que la marge d’adaptation des loyers reste parfois plus longtemps inutilisée. Par ailleurs, le moment où la baisse du taux de référence devient effectivement applicable dépend principalement de la prochaine échéance de résiliation du bail. Compte tenu du préavis de résiliation de trois mois en Suisse, l’impact sur les loyers existants sera retardé. Même si les locataires soumettent une demande de réduction dès mars, les ajustements ne seront généralement effectifs qu’à partir de début juillet 2025.
Les loyers des baux en cours devraient donc diminuer en 2025 pour les logements où aucune rénovation n’a été effectuée. Toutefois, cette diminution ne suffira probablement pas à compenser les fortes hausses des dernières années. En raison des deux augmentations successives du taux de référence et de la répercussion de l’inflation accumulée, l’indice des loyers des baux anciens (BWO/ZKB) a progressé de 3,6% entre le 1er trimestre 2023 et le 3e trimestre 2024.
Effet indirect sur les loyers de l’offre
Bien que le taux d’intérêt de référence n’ait pas d’influence directe sur l’évolution des loyers de l’offre, une étude publiée récemment dans le Swiss Real Estate Journal et intitulée « Évolution des loyers: à la recherche des déterminants fondamentaux » (Dubois & Weinert, 2024), montre qu’il constitue le déterminant le plus important de l’évolution des loyers de l’offre. Selon l’analyse, une hausse d’un point de pourcentage du taux d’intérêt de référence entraîne une diminution des loyers de l’offre d’un peu plus de 1%. La baisse du taux d’intérêt de référence de 25 points de base en mars 2025 devrait donc également avoir un effet indirect sur les loyers de l’offre, avec une décélération d’environ 0,25%.
En tenant compte de tous les facteurs d’influence, comme par exemple le nombre toujours faible de logements vacants et la croissance démographique toujours robuste, Wüest Partner prévoit une augmentation moyenne des loyers de l’offre de 1,9% pour 2025. Nous aniticipons donc de nouvelles hausses de loyers pour 2025, mais à un rythme nettement ralenti par rapport à 2024, notamment en raison de la baisse du taux d’intérêt de référence.
La question de savoir s’il restera effectivement plus d’argent dans le porte-monnaie des ménages à la fin de l’année en raison de l’évolution des coûts du logement ne dépend toutefois pas uniquement de l’évolution des loyers, mais aussi de celle des charges.
Les charges dépendent en grande partie du système de chauffage et de la source d’énergie correspondante. Récemment, les prix du gaz ont de nouveau augmenté. Cependant, les prix du gaz et du pétrole restent en deçà des niveaux records atteints après les fortes hausses de 2021 et 2022. Quant aux coûts de l’électricité, qui jouent un rôle essentiel dans les bâtiments équipés de pompes à chaleur ainsi que pour la facturation de l’électricité des parties communes, ils ont diminué de 8,7% en janvier 2025, après avoir augmenté de 18% en 2024.
Perspectives
Une nouvelle hausse du taux de référence semble pour l’instant peu probable. Le taux d’intérêt moyen publié est passé de 1,63% en décembre 2024 à 1,53% en mars 2025. Pour qu’une nouvelle baisse du taux de référence ait lieu, le taux moyen devrait descendre sous 1,375%, un scénario possible mais peu probable à court terme. En effet, de nombreux financements continuent d’être conclus à des conditions proches du taux moyen actuel. Par ailleurs, des hypothèques fixes très avantageuses conclues durant l’ère des taux négatifs arrivent encore à échéance, et depuis fin décembre 2024, une pression haussière s’exerce à nouveau sur les taux hypothécaires de long terme.
Pour qu’une nouvelle baisse du taux de référence se concrétise, il faudrait soit une diminution marquée des taux hypothécaires de long terme, soit au moins deux nouvelles réductions du taux directeur de la BNS. Si certains acteurs de marché n’anticipent plus de baisse des taux directeurs en 2025, la question centrale pour la plupart reste de savoir si une ou deux nouvelles réductions interviendront encore. En janvier 2025, l’évolution de l’indice suisse des prix à la consommation (IPC), hors loyers, était de -0,3%, ce qui plaide en faveur d’une baisse des taux directeurs. Toutefois, l’IPC global, qui inclut les loyers (avec un poids de 19,9%), a récemment augmenté de 0,4%. Cette évolution montre que les loyers jouent un rôle déterminant dans l’évolution globale des prix à la consommation, influençant directement leur hausse ou leur baisse.
Dans ce contexte, il est incertain qu’une baisse du taux directeur de 50 points de base favorise réellement la stabilité des prix. En effet, si le taux directeur actuel de 0,5% était abaissé à 0,0%, le taux de référence pourrait encore diminuer – supprimant ainsi un facteur qui a jusqu’à présent contribué à contrer les tendances déflationnistes. Dans cette perspective, une seule nouvelle baisse du taux directeur en 2025 semble être un scénario réaliste. Par conséquent, le taux de référence devrait rester largement stable au cours des prochains trimestres.
Conclusion
La baisse du taux de référence à 1,5% aura un impact sur l’ensemble du marché locatif: de nombreux loyers existants diminueront, tandis que la hausse des loyers de l’offre sera moins marquée.
Ce texte est une mise à jour d’un article publié le 13 décembre 2024.
Pour en savoir plus sur les perspectives à court et à long terme du marché du logement en Suisse, consultez l’Immo-Monitoring.