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Que peut-on construire là où il n’est pas permis de construire?

Publiée: 15 juillet 2022Dernière mise à jour : 22 avril 2025

La séparation des zones à bâtir et des zones non à bâtir, ainsi que l’objectif de limiter autant que possible les activités de construction aux premières, sont les piliers de l’amé­na­gement du terri­toire en Suisse. Les principes sont clairs, mais les détails sont compliqués et contro­versés. Depuis des années, le système politique peine à traiter la question, mais il semble aujourd’hui être sur la voie de nouvelles décisions. Dans l’état actuel des choses, des règles relati­vement souples et des mises en œuvre distinctes dans les diffé­rents cantons sont à prévoir, bien que le débat politique batte son plein et que le dernier mot n’ait pas encore été prononcé. 

Initiative populaire contre le «boom de la construction hors des zones à bâtir». 

Deux questions liées entre elles sont à l’ordre du jour politique. D’une part, l’ini­tiative populaire «Contre l’urba­ni­sation de notre paysage» (également connue sous son terme allemand abrégé, «Landschaft­si­ni­tiative») a été lancée en septembre 2020 pour – selon les termes du comité d’ini­tiative – «stopper le boom des construc­tions en dehors des zones à bâtir». Elle veut ancrer dans la Consti­tution fédérale les principes selon lesquels les nouvelles construc­tions et instal­la­tions en zone non à bâtir doivent être néces­saires à l’agri­culture ou être liées à un empla­cement précis. Les bâtiments agricoles ne peuvent pas être trans­formés en logements ou en commerces non agricoles, et les bâtiments non agricoles ne peuvent pas être agrandis ou remplacés par de nouveaux bâtiments. 

La révision de la loi, un compromis compact

En revanche, la deuxième révision partielle de la loi sur l’amé­na­gement du terri­toire (LAT 2) semble mener à son terme «une histoire presque sans fin», selon un inter­venant au débat du Conseil des États. Le récit remonte à près d’une décennie, soit au référendum de 2013 sur l’amé­na­gement du terri­toire (LAT 1). Après plusieurs consul­ta­tions et une décision de non-intervention au Conseil national, la Commission de l’envi­ron­nement du Conseil des États a travaillé sur un compromis. Celui-ci a été adopté lors de la session d’été par le Conseil des États après des ajuste­ments mineurs dans le vote global, sans aucune voix discor­dante. Sous l’éti­quette «LAT 2 compacte”, il constitue désormais aussi un contre-projet indirect à l’ini­tiative pour le paysage et vise à inciter le comité de cette dernière à retirer son initiative populaire. 

Au cœur de la révision de la loi se trouve un objectif de stabi­li­sation pour les zones situées en dehors des zones à bâtir. La stabi­li­sation doit se faire par le biais d’un concept global dans le plan directeur cantonal. Il ne s’agit pas de régle­men­ta­tions mais d’inci­ta­tions, afin que les bâtiments superflus dispa­raissent du paysage. Sous certaines condi­tions, les cantons doivent verser des primes de démolition pour les bâtiments qui ne sont plus utilisés. Des montants de 20 000 à 30 000 francs par objet sont envisagés. Selon Wüest Partner, une telle prime permet­trait de financer la démolition d’objets d’environ 100 à 300 m² de surface utile, sachant qu’il convien­drait de diffé­rencier cette prime selon la typologie et l’état. Le contre-projet permet une plus grande flexi­bilité dans la mise en œuvre que l’ini­tiative populaire. En parti­culier, l’agri­culture et le tourisme profi­teront de cette dispo­sition. Un autre sujet dans ce contexte est la protection des instal­la­tions existantes. Celle-ci a pris une nouvelle virulence depuis que le Tribunal fédéral a jugé en avril 2021 que, pour les construc­tions illégales situées hors de la zone à bâtir – contrai­rement à celles situées dans la zone à bâtir –  l’obli­gation de rétablir l’état régle­men­taire ne disparaît pas après 30 ans. Le Conseil national a adopté au printemps une motion visant à changer cela. 

Début juillet 2022, la commission de l’envi­ron­nement du Conseil national s’est penchée sur la loi sur l’amé­na­gement du terri­toire. En principe, elle a accueilli favora­blement la version du projet de loi du Conseil des États. Selon le commu­niqué de presse, la nécessité d’une adaptation a toutefois été critiquée. Les délibé­ra­tions de la commission se poursui­vront à la fin du mois d’août au plus tôt. 

Des préoc­cu­pa­tions de niveaux très diffé­rents 

Actuel­lement, 22% des bâtiments ne sont pas situés dans une zone à bâtir. Nombre d’entre eux ont été construits il y a plusieurs décennies, lorsque cela était encore légal, et bénéfi­cient aujourd’hui d’une protection en tant que bâtiments existants. Des excep­tions ont également été accordées à maintes reprises, par exemple pour l’agri­culture. Dans toute la Suisse, environ 5% des habitants vivent et 4% des employés travaillent en dehors des zones à bâtir. Dans les cantons où l’habitat est dispersé, plus de 10 % des personnes vivent en dehors de ces zones. 

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Un nombre important de bâtiments situés en dehors des zones à bâtir étaient, et sont, utilisés à des fins agricoles. En outre, les parti­cu­liers qui occupent un bâtiment en zone agricole sont fortement touchés. L’utilité et la valeur de ces bâtiments dépendent fortement des règles relatives à la protection des bâtiments existants qui seront finalement édictées. Les nouvelles règles pour les entre­prises commer­ciales et autres entre­prises ayant des sites d’exploi­tation en dehors de la zone à bâtir consti­tuent un autre problème. Et au niveau de l’État, l’impact sur les commu­nautés rurales et de montagne est dispro­por­tionné. 

La majorité des inves­tis­seurs insti­tu­tionnels n’est pas direc­tement concernée : Leurs porte­feuilles se trouvent en général princi­pa­lement dans les zones à bâtir des villes et des agglo­mé­ra­tions. Cependant, indirec­tement, la discussion les concerne, car la stabi­li­sation de l’activité de construction en dehors de la zone à bâtir renforce la demande globale dans les centres et contribue à la poursuite du dévelop­pement de l’habitat vers l’inté­rieur. Après que la réduction des zones à bâtir ait accru la pression sur les zones non construc­tibles, celles-ci sont désormais plus fortement protégées par de nouveaux objectifs et de nouvelles règles. 

Prochaines étapes 

Le projet de loi est toujours en attente d’un vote sur les diffé­rences entre le Conseil national et le Conseil des États. Ce dernier a déjà recom­mandé le rejet, et le Conseil national devrait faire de même. Après le vote final au Parlement, qui pourrait avoir lieu l’hiver ou le printemps prochain, le comité de l’ini­tiative pour le paysage décidera du retrait dit condi­tionnel de la pétition. Si elle est retirée et que personne ne demande un référendum contre la loi, le Conseil fédéral pourra la mettre en vigueur. Dans le cas contraire, le peuple et les cantons doivent se prononcer sur l’ini­tiative. L’expé­rience montre que la population attache une grande valeur à la protection du paysage, qui mobilise simul­ta­nément les milieux de gauche et les milieux conser­va­teurs. Par exemple, l’ini­tiative Rothenturm en 1987 pour la protection des landes ainsi que l’ini­tiative sur les résidences secon­daires en 2012 sont deux rares cas de ce domaine où les initia­tives populaires ont atteint la majorité du peuple et des cantons. Toutefois, il est également probable que l’ini­tiative se heurte à une opposition impor­tante. 

Il sera donc très intéressant de voir comment les dés seront jetés concernant ce qui peut être construit dans les zones non construc­tibles, et comment. 

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