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Droits de douane améri­cains: quels impacts sur les prix à la consom­mation suisses ?

Dernière mise à jour: 07 mai 2025

Le 2 avril 2025, les États-Unis ont présenté un nouveau paquet de droits de douane qui place les indus­tries expor­ta­trices suisses parmi les plus perfor­mantes face à de grands défis. Washington menace d’imposer des droits d’importation pouvant atteindre 31 % sur les machines, montres et instru­ments de précision suisses (les produits pharma­ceu­tiques en sont, pour l’instant, exemptés, mais pourraient également être concernés). Un conflit commercial semble se profiler. Cet article se concentre sur un aspect précis de ce conflit naissant: son effet potentiel sur les prix à la consom­mation en Suisse.

Le terme « conflit commercial » évoque instinc­ti­vement une hausse des prix. Pourtant, lors de son évaluation de la situation monétaire en mars 2025, la Banque nationale suisse (BNS) a souligné la nécessité de contrer les risques de déflation par une politique monétaire adaptée. Ce billet examine comment un différend douanier entre grandes zones écono­miques pourrait influencer l’inflation en Suisse.

Effets directs et indirects sur l’indice des prix à la consom­mation

A première vue, cela semble plausible : des droits de douane plus élevés renché­rissent direc­tement les produits importés. De plus, la concur­rence entre les diffé­rents fournis­seurs est moins intense et les chaînes d’appro­vi­sion­nement établies sont ébranlées. Mais l’effet du conflit commercial sur l’indice suisse des prix à la consom­mation (IPC) est plus complexe, comme le montrent les réflexions suivantes, qui tiennent également compte des effets indirects.

Droits de douane à l’impor­tation et prix à la consom­mation

La dernière annonce des autorités améri­caines place les droits de douane sur les produits suisses au centre de l’attention. En réaction, l’Union européenne, la Chine, ainsi que le Canada et le Mexique menacent d’imposer des mesures similaires sur les produits améri­cains. Ces droits entraînent avant tout une hausse des prix pour les consom­ma­teurs des pays qui les appliquent.

Dans le cas des biens de consom­mation comme les voitures ou le vin, les prix augmentent de manière directe dans les pays impor­ta­teurs. Mais de nombreux produits – tels que l’acier ou les compo­sants électro­niques – sont avant tout échangés entre entre­prises. Dans ce cas, l’effet d’un droit d’importation est plus indirect. Prenons l’exemple d’une entre­prise de construction améri­caine qui importe de Chine des panneaux solaires et des onduleurs pour équiper des instal­la­tions photo­vol­taïques. En raison de diffé­rends commer­ciaux, ces produits sont soumis à des droits de douane élevés. Ces coûts supplé­men­taires alour­dissent immédia­tement les dépenses de l’entreprise. Celle-ci tente alors de les réper­cuter le long de la chaîne d’approvisionnement, ce qui entraîne une hausse du coût des nouvelles construc­tions et des rénova­tions. Toutefois, les coûts de construction ne sont pas direc­tement pris en compte dans l’indice des prix à la consom­mation – celui-ci reflète plutôt les coûts du logement. De plus, l’aug­men­tation des coûts de construction n’influence pas direc­tement le niveau général des loyers, car celui-ci dépend fortement de la dispo­sition à payer des locataires.

Jusqu’à présent, rien ne laisse présager que la Suisse intro­duira ses propres droits de douane sur les impor­ta­tions de biens indus­triels. Pour les impor­ta­teurs et les consom­ma­teurs suisses, les droits de douane améri­cains n’entraî­neront donc pas de hausse immédiate des prix. Toutefois, cela peut avoir pour consé­quence que les produits inter­mé­diaires que les entre­prises suisses importent des Etats-Unis doivent être achetés plus cher. Deuxiè­mement, dans un monde globalisé, les droits de douane sur les biens indus­triels consti­tuent un frein à la crois­sance écono­mique. Ils mettent en péril les chaînes d’appro­vi­sion­nement établies, car les relations de sous-traitance doivent être rééva­luées en fonction des nouvelles condi­tions, ce qui renchérit la production. La crise du Covid-19 a montré comment des pertur­ba­tions dans les chaînes d’appro­vi­sion­nement peuvent entraîner des retards dans la production. La pénurie de certains biens a été l’une des princi­pales raisons de la hausse consi­dé­rable des prix à la consom­mation, en Suisse également.

Offre excéden­taire

Les droits de douane améri­cains sur les impor­ta­tions pourraient également conduire à court terme à ce que les entre­prises européennes et suisses concernées baissent leurs prix dans notre pays afin de se débar­rasser de l’offre excéden­taire résultant de la baisse de la demande améri­caine. Cela aurait pour effet de freiner l’inflation en Suisse.

Effets modéra­teurs de la demande mondiale et des prix de l’énergie

Un autre canal essentiel agit via la demande mondiale. Les litiges commer­ciaux créent de l’incer­titude, réduisent les inves­tis­se­ments et affai­blissent le commerce mondial. Si la demande mondiale de biens diminue, la demande de matières premières et d’énergie – dont le pétrole – diminue également en règle générale. Une baisse de la demande d’énergie entraîne souvent une baisse des prix de l’énergie, ce qui atténue à son tour le taux d’inflation en Suisse.

Le rôle important du taux de change

Le premier jour de négoce après l’annonce des droits de douane, le dollar américain s’est déprécié, légèrement par rapport à l’euro et plus fortement par rapport au franc suisse. En temps de crise, les inves­tis­seurs se réfugient dans des place­ments sûrs, comme l’or ou justement le franc suisse. Cette demande accrue entraîne une appré­ciation du franc par rapport aux autres monnaies, ce qui rend les biens importés moins chers en Suisse et atténue ainsi l’inflation.

Saut unique ou spirale infla­tion­niste

L’intro­duction de droits de douane à l’impor­tation entraîne une hausse ponctuelle du niveau des prix. En revanche, une inflation persis­tante signifie que les prix augmentent pendant plusieurs années. Dès que les nouveaux coûts douaniers sont intégrés dans le niveau des prix, le taux d’inflation revient généra­lement à la normale – à condition qu’il n’y ait pas d’autres droits de douane ou de chocs de prix. Tant que la guerre commer­ciale ne s’inten­sifie pas et qu’une spirale infla­tion­niste ne s’enclenche pas, les droits de douane à l’impor­tation n’entraînent pas automa­ti­quement une hausse durable de l’inflation, mais provoquent surtout des ajuste­ments ponctuels dans la structure des prix.

Conclusion : faible effet sur les prix à la consom­mation suisses

L’influence d’un conflit commercial sur les prix à la consom­mation en Suisse est complexe et passe par diffé­rents canaux. Dans l’ensemble, l’effet des droits de douane améri­cains sur les prix à la consom­mation suisses ne devrait pas être trop important, du moins tant que la Suisse n’introduit pas ses propres droits de douane et que le franc reste fort. Néanmoins, le protec­tion­nisme actuel est un défi pour la Suisse en tant que pays expor­tateur et petite économie ouverte. Malgré les incer­ti­tudes et turbu­lences actuelles, il ne faut pas s’attendre à une forte inflation en Suisse.

Impor­tance pour le marché immobilier suisse

L’inflation et les antici­pa­tions d’inflation jouent un rôle central sur le marché immobilier suisse, car elles influencent de manière déter­mi­nante l’évo­lution des taux d’intérêt – ce qui, à son tour, influence les prix de l’immo­bilier, les loyers et l’activité de construction. La hausse des antici­pa­tions infla­tion­nistes entraîne souvent une augmen­tation des taux d’intérêt, ce qui accroît les coûts de finan­cement des projets de construction et les attentes de rendement des inves­tis­seurs. Paral­lè­lement, l’inflation accumulée est impor­tante pour les contrats de location en cours : de nombreux contrats de location suisses sont indexés à l’inflation et, selon le droit suisse de la location, les bailleurs peuvent réper­cuter l’inflation accumulée à hauteur de 40% sous la forme d’une adaptation des loyers. Le marché immobilier suisse est donc sensible aux mouve­ments infla­tion­nistes.

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