Droits de douane américains: quels impacts sur les prix à la consommation suisses ?
Dernière mise à jour: 08 April 2025

Le 2 avril 2025, les États-Unis ont présenté un nouveau paquet de droits de douane qui place les industries exportatrices suisses parmi les plus performantes face à de grands défis. Washington menace d’imposer des droits d’importation pouvant atteindre 31 % sur les machines, montres et instruments de précision suisses (les produits pharmaceutiques en sont, pour l’instant, exemptés, mais pourraient également être concernés). Un conflit commercial semble se profiler. Cet article se concentre sur un aspect précis de ce conflit naissant: son effet potentiel sur les prix à la consommation en Suisse.
Le terme « conflit commercial » évoque instinctivement une hausse des prix. Pourtant, lors de son évaluation de la situation monétaire en mars 2025, la Banque nationale suisse (BNS) a souligné la nécessité de contrer les risques de déflation par une politique monétaire adaptée. Ce billet examine comment un différend douanier entre grandes zones économiques pourrait influencer l’inflation en Suisse.
Effets directs et indirects sur l’indice des prix à la consommation
A première vue, cela semble plausible : des droits de douane plus élevés renchérissent directement les produits importés. De plus, la concurrence entre les différents fournisseurs est moins intense et les chaînes d’approvisionnement établies sont ébranlées. Mais l’effet du conflit commercial sur l’indice suisse des prix à la consommation (IPC) est plus complexe, comme le montrent les réflexions suivantes, qui tiennent également compte des effets indirects.
Droits de douane à l’importation et prix à la consommation
La dernière annonce des autorités américaines place les droits de douane sur les produits suisses au centre de l’attention. En réaction, l’Union européenne, la Chine, ainsi que le Canada et le Mexique menacent d’imposer des mesures similaires sur les produits américains. Ces droits entraînent avant tout une hausse des prix pour les consommateurs des pays qui les appliquent.
Dans le cas des biens de consommation comme les voitures ou le vin, les prix augmentent de manière directe dans les pays importateurs. Mais de nombreux produits – tels que l’acier ou les composants électroniques – sont avant tout échangés entre entreprises. Dans ce cas, l’effet d’un droit d’importation est plus indirect. Prenons l’exemple d’une entreprise de construction américaine qui importe de Chine des panneaux solaires et des onduleurs pour équiper des installations photovoltaïques. En raison de différends commerciaux, ces produits sont soumis à des droits de douane élevés. Ces coûts supplémentaires alourdissent immédiatement les dépenses de l’entreprise. Celle-ci tente alors de les répercuter le long de la chaîne d’approvisionnement, ce qui entraîne une hausse du coût des nouvelles constructions et des rénovations. Toutefois, les coûts de construction ne sont pas directement pris en compte dans l’indice des prix à la consommation – celui-ci reflète plutôt les coûts du logement. De plus, l’augmentation des coûts de construction n’influence pas directement le niveau général des loyers, car celui-ci dépend fortement de la disposition à payer des locataires.
Jusqu’à présent, rien ne laisse présager que la Suisse introduira ses propres droits de douane sur les importations de biens industriels. Pour les importateurs et les consommateurs suisses, les droits de douane américains n’entraîneront donc pas de hausse immédiate des prix. Toutefois, cela peut avoir pour conséquence que les produits intermédiaires que les entreprises suisses importent des Etats-Unis doivent être achetés plus cher. Deuxièmement, dans un monde globalisé, les droits de douane sur les biens industriels constituent un frein à la croissance économique. Ils mettent en péril les chaînes d’approvisionnement établies, car les relations de sous-traitance doivent être réévaluées en fonction des nouvelles conditions, ce qui renchérit la production. La crise du Covid-19 a montré comment des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement peuvent entraîner des retards dans la production. La pénurie de certains biens a été l’une des principales raisons de la hausse considérable des prix à la consommation, en Suisse également.
Offre excédentaire
Les droits de douane américains sur les importations pourraient également conduire à court terme à ce que les entreprises européennes et suisses concernées baissent leurs prix dans notre pays afin de se débarrasser de l’offre excédentaire résultant de la baisse de la demande américaine. Cela aurait pour effet de freiner l’inflation en Suisse.
Effets modérateurs de la demande mondiale et des prix de l’énergie
Un autre canal essentiel agit via la demande mondiale. Les litiges commerciaux créent de l’incertitude, réduisent les investissements et affaiblissent le commerce mondial. Si la demande mondiale de biens diminue, la demande de matières premières et d’énergie – dont le pétrole – diminue également en règle générale. Une baisse de la demande d’énergie entraîne souvent une baisse des prix de l’énergie, ce qui atténue à son tour le taux d’inflation en Suisse.
Le rôle important du taux de change
Le premier jour de négoce après l’annonce des droits de douane, le dollar américain s’est déprécié, légèrement par rapport à l’euro et plus fortement par rapport au franc suisse. En temps de crise, les investisseurs se réfugient dans des placements sûrs, comme l’or ou justement le franc suisse. Cette demande accrue entraîne une appréciation du franc par rapport aux autres monnaies, ce qui rend les biens importés moins chers en Suisse et atténue ainsi l’inflation.
Saut unique ou spirale inflationniste
L’introduction de droits de douane à l’importation entraîne une hausse ponctuelle du niveau des prix. En revanche, une inflation persistante signifie que les prix augmentent pendant plusieurs années. Dès que les nouveaux coûts douaniers sont intégrés dans le niveau des prix, le taux d’inflation revient généralement à la normale – à condition qu’il n’y ait pas d’autres droits de douane ou de chocs de prix. Tant que la guerre commerciale ne s’intensifie pas et qu’une spirale inflationniste ne s’enclenche pas, les droits de douane à l’importation n’entraînent pas automatiquement une hausse durable de l’inflation, mais provoquent surtout des ajustements ponctuels dans la structure des prix.
Conclusion : faible effet sur les prix à la consommation suisses
L’influence d’un conflit commercial sur les prix à la consommation en Suisse est complexe et passe par différents canaux. Dans l’ensemble, l’effet des droits de douane américains sur les prix à la consommation suisses ne devrait pas être trop important, du moins tant que la Suisse n’introduit pas ses propres droits de douane et que le franc reste fort. Néanmoins, le protectionnisme actuel est un défi pour la Suisse en tant que pays exportateur et petite économie ouverte. Malgré les incertitudes et turbulences actuelles, il ne faut pas s’attendre à une forte inflation en Suisse.
Importance pour le marché immobilier suisse
L’inflation et les anticipations d’inflation jouent un rôle central sur le marché immobilier suisse, car elles influencent de manière déterminante l’évolution des taux d’intérêt – ce qui, à son tour, influence les prix de l’immobilier, les loyers et l’activité de construction. La hausse des anticipations inflationnistes entraîne souvent une augmentation des taux d’intérêt, ce qui accroît les coûts de financement des projets de construction et les attentes de rendement des investisseurs. Parallèlement, l’inflation accumulée est importante pour les contrats de location en cours : de nombreux contrats de location suisses sont indexés à l’inflation et, selon le droit suisse de la location, les bailleurs peuvent répercuter l’inflation accumulée à hauteur de 40% sous la forme d’une adaptation des loyers. Le marché immobilier suisse est donc sensible aux mouvements inflationnistes.
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