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Quand le risque détermine aussi le prix – dangers naturels et immobilier en Suisse

Dernière mise à jour: 07 June 2025

Les dangers naturels tels que les pluies intenses, les crues, les glisse­ments de terrain, les laves torren­tielles et les chutes de pierres peuvent causer d’impor­tants dégâts en Suisse – et ce risque devrait continuer à augmenter à l’avenir, car le changement clima­tique entraîne une hausse à la fois de la fréquence et de l’intensité des phéno­mènes météo­ro­lo­giques extrêmes. Cet article évalue l’influence des dangers naturels sur les prix des logements.

Les fortes préci­pi­ta­tions: le danger naturel le plus fréquent en Suisse

Les phéno­mènes météo­ro­lo­giques extrêmes et autres dangers naturels repré­sentent un défi important pour le marché immobilier. Certes, les dommages peuvent être couverts par des assurances immobi­lières. Des mesures de construction prises par les proprié­taires, ainsi que des ouvrages de protection financés par les pouvoirs publics, peuvent également contribuer à réduire la vulné­ra­bilité des bâtiments ou le niveau de risque dans les zones exposées. Toutefois, le risque concret auquel un immeuble est confronté nuit souvent à la qualité de vie des habitantes et habitants. Il est donc logique que cela se reflète dans les prix.




Une analyse portant sur 28’000 transac­tions

De nouveaux calculs réalisés par Wüest Partner permettent de quantifier avec précision l’impact des dangers naturels sur le prix des maisons indivi­duelles. Pour cette étude, nous avons analysé environ 28 000 transac­tions de gré à gré réalisées entre 2022 et 2024. Seules les maisons indivi­duelles ont été prises en compte, car elles sont touchées dans leur globalité en cas de sinistre, ce qui facilite la compa­raison. Les classes de danger proviennent des cartes canto­nales des dangers naturels, ou de données homogé­néisées par la société Geotest. Au total, l’étude intègre onze types de dangers naturels, parmi lesquels les crues, les avalanches, les glisse­ments de terrain, les laves torren­tielles et les coulées de boue.

L’analyse repose sur un modèle hédoniste. Cette méthode, courante dans le secteur immobilier, permet de séparer les effets liés à l’emplacement, et aux carac­té­ris­tiques du bien des effets liés au risque naturel. Ainsi, l’impact pur du danger peut être mesuré. Chaque type de danger a été modélisé séparément.

Résultats détaillés de l’analyse

Dans la plupart des cas, les baisses de prix restent faibles, entre 1 et 3%. Pourtant, certaines zones enregistrent des pertes pouvant aller jusqu’à 30%.

  • Les crues apparaissent lorsque les rivières débordent à cause de fortes pluies ou de la fonte des neiges. À partir de la classe 3, les acheteurs paient en moyenne 0,6% de moins. Lorsque le niveau de danger atteint la classe 4 ou 5, la baisse s’élève respec­ti­vement à 1,4% et 1,8%.
  • Le ruissel­lement de surface se produit lorsque l’eau ne peut pas s’infiltrer rapidement et s’écoule à la surface. Il est respon­sable de près de la moitié des dommages liés à l’eau. Dans ce cas, les effets sur les prix ne deviennent visibles qu’à partir de la classe 4, avec une baisse moyenne de 1,3%. En classe 5, l’impact s’intensifie et atteint –2,3%.
  • Les glisse­ments de terrain désignent des mouve­ments de terrain sur les pentes. Comme le nombre de transac­tions dans les zones touchées est limité, les classes 3 et 4 ont été regroupées. Le résultat, –0,9%, montre que le risque est pris en compte, sans toutefois provoquer de forte décote. En revanche, en classe 5, la réduction atteint –3,0%.
  • Avalanches: quand le risque augmente la valeur
    Dans certaines stations de ski, les maisons exposées aux classes 3 ou 4 sont très demandées. Le modèle montre une hausse des prix de +8,1% (classe 3) et +5,3% (classe 4). Les biens en bordure de piste ou avec vue sont plus chers, malgré le risque d’avalanche. Mais en classe 5, la tendance s’inverse. Les prix chutent alors de –1,9%. Cela montre que certains avantages peuvent faire oublier le risque. Pourtant, dès que le danger est perçu comme grave, la valeur diminue.
  • Laves torren­tielles et coulées de boue: les effets extrêmes des risques extrêmes
    Les coulées de boue sont des mélanges de terre, d’eau et de gravats avec une forte teneur en eau. On parle de lave torren­tielle pour désigner un mélange en mouvement de boue, d’eau, de pierres, de gravats et de bois, qui se forme souvent dans des lits de ruisseaux déjà existants. Les deux peuvent être très destruc­trices. En classe 5, seules 11 ventes ont été observées en trois ans. Pourtant, ces biens ont été vendus 30% moins cher que des maisons similaires en zone sûre. Cela repré­sente une perte de 300 000 francs pour un bien à 1 million. Le nombre de cas est faible, mais la tendance est claire.


Activité de construction: on continue à bâtir dans des zones exposées

Dans le cadre de notre analyse sur les liens entre les prix immobi­liers et les dangers naturels, nous avons également examiné combien de logements se situent dans les classes de danger 4 et 5, et dans quelle mesure l’activité de construction y est présente. Il en ressort que la part de logements projetés, autorisés ou en cours de construction dans ces zones exposées ne diffère guère de la part de logements déjà existants aux mêmes empla­ce­ments. Cela signifie que la proportion de logements dans des zones à risque reste globa­lement stable. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce phénomène :

  • Conscience insuf­fi­sante du risque: les acteurs ne sont pas pleinement conscients des dangers poten­tiels.
  • Avantage de prix: les terrains construc­tibles dans les zones exposées sont souvent nettement moins chers, ce qui compense les éventuelles décotes de prix.
  • Rareté du foncier: dans certaines régions, le manque d’alternatives force à exploiter même les empla­ce­ments à risque.
  • Tendance du marché: l’augmentation des primes d’assurance et les décotes généra­lement modérées sont contre­ba­lancées par la conjoncture actuelle du marché.
  • Rééva­luation locale: des expert·e·s sur place peuvent conclure, après examen appro­fondi, que le danger réel est inférieur à celui indiqué par les cartes modèles.

Ce n’est qu’en classe 5 — où les baisses de prix atteignent des niveaux à deux chiffres — que l’activité de construction chute presque totalement : à l’échelle nationale, on ne recense qu’un seul projet de maison indivi­duelle en zone de coulées de boue, 20 en zone de laves torren­tielles et 14 en zone d’avalanches.

Assurance contre les dangers naturels: pas obliga­toire dans toute la Suisse

Pour se protéger contre les consé­quences finan­cières des événe­ments naturels et des aléas clima­tiques, les proprié­taires peuvent souscrire une assurance bâtiments. Celle-ci permet de mutua­liser le risque au sein d’un collectif. Dans 19 cantons suisses, une assurance bâtiment de droit public est obliga­toire pour les proprié­taires. Dans les autres cantons – appelés cantons GUSTAVO (GE, UR, SZ, TI, AI, VS, OW) – ce sont des assureurs privés qui assurent cette fonction. Toutefois, dans les cantons de Genève, du Tessin, d’Appenzell Rhodes-Intérieures et du Valais, cette assurance n’est pas obliga­toire.

Risques non assurés: une raison pour les décotes de prix?

Bien qu’une assurance permette de réduire les risques de dommages, les données montrent que les décotes sur les maisons indivi­duelles situées dans des zones exposées – à quelques excep­tions près – peuvent atteindre jusqu’à 5%. Cela dépasse souvent les coûts supplé­men­taires liés à la couverture d’assurance. Une police ne couvre donc pas néces­sai­rement l’intégralité du risque. Une protection insuf­fi­sante ou l’absence de couverture pour certains dommages (par exemple les travaux de nettoyage) peuvent entraîner des charges finan­cières supplé­men­taires pour les proprié­taires. Par ailleurs, il est difficile de conclure de manière définitive si les dangers naturels – ainsi que l’augmentation des phéno­mènes extrêmes due au changement clima­tique – sont déjà intégra­lement pris en compte dans les prix immobi­liers.

Mesures de construction limitées

Outre l’assurance, les mesures de construction jouent également un rôle important dans la réduction du danger ou de la vulné­ra­bilité. Cependant, les marges de manœuvre dans ce domaine restent limitées. Les pouvoirs publics peuvent atténuer les risques dans les zones fortement exposées, par exemple via des correc­tions de cours d’eau, des projets de renatu­ration, des parava­lanches ou la stabi­li­sation de versants. Les proprié­taires ont également des moyens d’action: face à un risque d’inondation, les parties sensibles d’un bâtiment peuvent être protégées par des joints d’étanchéité ou des digues. Des matériaux testés permettent de limiter les dommages liés à la grêle, et les stores peuvent être automa­ti­quement relevés en cas de pluie ou de tempête.

Changement clima­tique: un facteur d’accélération

Avec la progression continue du changement clima­tique, les risques liés aux événe­ments météo­ro­lo­giques extrêmes devraient encore s’intensifier. Afin d’évaluer ces effets de manière prospective pour le secteur immobilier et de développer des stratégies de gestion robustes, Wüest Partner collabore avec CLIMADA Techno­logies, une spin-off de l’EPFZ spécia­lisée dans l’analyse des risques clima­tiques. Cette colla­bo­ration permet d’identifier à un stade précoce les risques physiques crois­sants liés au changement clima­tique ainsi que leurs réper­cus­sions poten­tielles. Cela constitue une base solide pour prendre des décisions éclairées en matière de gestion des risques et de respect des exigences régle­men­taires.

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Risques clima­tiques dans le secteur immobilier

Vous souhaitez identifier les biens de votre porte­feuille exposés à des risques clima­tiques et savoir comment y répondre de manière straté­gique? En colla­bo­ration avec CLIMADA Techno­logies, nous proposons des analyses de risques fiables et des recom­man­da­tions concrètes, appli­cables à des biens indivi­duels comme à des porte­feuilles entiers.

Plus d’informations sur notre offre commune sont dispo­nibles dans notre article dédié : de l’analyse à la stratégie: gérer les risques clima­tiques dans le secteur immobilier.