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Droits de douane améri­cains: impacts régionaux

Dernière mise à jour: 29 May 2025

Droits de douane américains

Les nouveaux droits de douane améri­cains sur les impor­ta­tions de biens indus­triels et de matières premières affectent l’économie suisse. Dans cet article, nous analysons quelles régions suisses sont les plus exposées. Pour ce faire, nous calculons un score par canton ou type de commune, qui montre quelle partie de l’économie locale est direc­tement touchée par les droits de douane améri­cains. Pour effectuer ce calcul, nous combinons les données douanières natio­nales, les chiffres de l’emploi régional, et le modèle de création de valeur de Wüest Partner et consi­dérons diffé­rents scénarios douaniers.

Droits de douane améri­cains sur les expor­ta­tions indus­trielles suisses: le point sur la situation

Le 12 mai 2025, les droits de douane réciproques entre les Etats-Unis et la Chine ont été tempo­rai­rement réduits. Même si cela repré­sente une déses­calade du conflit commercial, l’épée de Damoclès douanière reste suspendue au-dessus de l’industrie suisse.

Résumé de la situation initiale :

Au printemps 2025, l’administration du président Trump a pris de nouvelles mesures de politique commer­ciale qui concernent également la Suisse. Outre les droits de douane existants sur des types de produits spéci­fiques tels que l’aluminium, l’acier ou les véhicules, des droits de douane dits «réciproques», spéci­fiques à chaque pays, ont été intro­duits pour la première fois début avril. Ceux-ci devaient s’appliquer aux pays ayant un fort excédent commercial par rapport aux États-Unis, dont la Suisse. Cela aurait entraîné une taxe douanière effective de 31% sur les expor­ta­tions indus­trielles suisses. Certains types de produits, comme les produits pharma­ceu­tiques, en étaient cependant exemptés.

Le 9 avril 2025, ces surtaxes spéci­fiques à chaque pays ont été suspendues pendant 90 jours, ce qui a ramené le droit de douane suisse sur les biens indus­triels au niveau universel de 10%. Cette mesure a été commu­niquée par le gouver­nement américain comme une mesure de confiance en amont des discus­sions bilaté­rales avec diffé­rents parte­naires commer­ciaux, dont la Suisse.

Des discus­sions entre les déléga­tions suisse et améri­caine ont eu lieu début mai à Genève. Les deux parties se sont mises d’accord pour concré­tiser rapidement les négocia­tions, avec pour objectif une décla­ration d’intention contrai­gnante. Il s’agit non seulement d’obtenir une prolon­gation de la suspension des droits de douane, mais aussi de discuter d’exceptions spéci­fiques à certains secteurs, en parti­culier pour des indus­tries clés comme la pharmacie, la mécanique ou l’horlogerie.

Impact selon le type de commune

Les grandes villes et les régions touris­tiques moins touchées

La figure 1 montre très clairement que l’exposition aux droits de douane améri­cains varie en fonction du profil struc­turel des communes:

  • Les communes indus­trielles et agricoles ainsi que les petites villes sont les plus exposées. C’est là que dominent les entre­prises manufac­tu­rières et les indus­tries de précision et/ou mécaniques qui exportent beaucoup vers les États-Unis, ce qui rend l’impact des droits de douane parti­cu­liè­rement élevé. Le volume important des expor­ta­tions dans les secteurs soumis à des droits de douane explique donc les pics observés.
  • Les communes aisées situées en périphérie et surtout les grandes villes et leurs agglo­mé­ra­tions sont les moins touchées. Le tissu sectoriel des agglo­mé­ra­tions comme Zurich est fortement orienté vers les services et la finance. De ce fait, elles sont relati­vement peu touchées par les droits de douane améri­cains sur les produits indus­triels. Les régions touris­tiques sont également moins affectées que les communes indus­trielles.

Impact au niveau cantonal

Nidwald parti­cu­liè­rement exposé

Le canton de Nidwald est de loin le plus touché par les droits de douane améri­cains. C’est surtout le secteur de l’aviation dont il est question ici – en parti­culier l’entreprise Pilatus Flugzeug­werke AG, dont le siège est situé à Stans. Les États-Unis repré­sentent un de ses principaux marchés et l’entreprise est fortement orientée vers l’exportation. De ce fait, le canton de Nidwald enregistre de loin la plus grande part des expor­ta­tions améri­caines concernées. Cette forte orien­tation vers le marché américain, combinée à la part dispro­por­tionnée du secteur aéronau­tique dans la création de valeur brute totale au niveau du canton, explique ce niveau d’exposition relati­vement élevé.

Les places 2 à 5 sont occupées par :

  • Le canton du Jura, avec son industrie horlogère et de machines de précision, pour laquelle les États-Unis consti­tuent un marché clé – par exemple Richard Mille SA. Avec plus de 20% des employés travaillant dans des secteurs touchés par les droits de douane, le canton du Jura repré­sente ici le pourcentage le plus élevé de tous les cantons.
  • Le canton d’Obwald, porté par une forte proportion d’industries dans les domaines des hautes techno­logies, de l’agroalimentaire et des plastiques, avec des entre­prises comme Nahrin SA ou Maxon Motors SA.
  • Le canton de Soleure, grâce à une impor­tante industrie mécanique et métal­lur­gique (par exemple à Olten et Granges).
  • Appenzell Rhodes-Intérieures, qui compte une forte proportion d’industries électriques et mécaniques. De ce fait, les secteurs soumis aux droits de douane repré­sentent une part supérieure à la moyenne de la création de valeur brute cantonale.

La situation est très diffé­rente dans le canton de Bâle-Ville ou d’Argovie. Ici, l’industrie pharma­ceu­tique, qui est actuel­lement (encore) exemptée des droits de douane améri­cains, est tellement prépon­dé­rante que seule une petite partie de la création de valeur est exposée aux droits de douane améri­cains – même si les volumes d’exportation vers les États-Unis sont élevés. Dans un autre scénario, nous envisa­gerons que l’industrie pharma­ceu­tique – comme l’ont déjà suggéré certains membres du gouver­nement américain – doive à l’avenir payer le même tarif standard appli­cable aux biens indus­triels.

Incer­titude concernant les sites pharma­ceu­tiques

Si nous appli­quons également aux produits pharma­ceu­tiques le tarif douanier américain standard de 10% actuel­lement en vigueur, la situation change du tout au tout (figure 3). Avec la suppression de l’exonération des droits de douane pour l’industrie pharma­ceu­tique, le canton de Bâle-Ville affiche le score relatif le plus élevé, avec les acteurs mondiaux Roche et Novartis. Schaff­house suit de près, avec Johnson & Johnson, l’un des principaux employeurs du canton et l’un des plus grands produc­teurs pharma­ceu­tiques de Suisse.

Les cantons de Lucerne, Fribourg, Vaud, Bâle-Campagne et Argovie enregistrent également un impact relatif nettement plus élevé dans le scénario où des droits de douane s’appliquent au secteur pharma­ceu­tique. Ils se carac­té­risent tous par une impor­tante industrie pharma­ceu­tique, biotech­no­lo­gique ou des sciences de la vie, à la fois très orientée vers l’export et marquée par une forte création de valeur. Bâle-Campagne est fortement lié à la région bâloise. Lucerne et Vaud abritent d’importants sites de production d’entreprises inter­na­tio­nales (par exemple MSD ou Merck SA) et Argovie est un canton bien établi pour les entre­prises de sciences de la vie proches de la recherche.

Dans le même temps, le score relatif du canton de Nidwald ne diminue que modérément: son industrie aéronau­tique reste fortement exposée et ne perd que légèrement en impor­tance relative.

Dans l’ensemble, ce scénario montre à quel point les régle­men­ta­tions douanières peuvent affecter de manière ciblée un secteur et ses réseaux locaux de création de valeur, en parti­culier le cluster pharma­ceu­tique très spécialisé du nord-ouest de la Suisse.

La récente annonce du président américain Donald Trump concernant la baisse envisagée des prix des médica­ments devrait également avoir un impact négatif sur les entre­prises pharma­ceu­tiques suisses et les cantons concernés.

Conclu­sions

Notre score relatif permet de voir quelles régions suisses sont parti­cu­liè­rement exposées aux droits de douane améri­cains sur les impor­ta­tions de biens indus­triels – et, dans le scénario où des droits de douane sur les produits pharma­ceu­tiques s’appliquent, sur les produits pharma­ceu­tiques également. Dans le scénario de référence actuel, Nidwald est le plus exposé en raison de son industrie aéronau­tique très tournée vers l’exportation, suivi par le Jura, Obwald et Soleure, où les indus­tries de précision et/ou mécaniques dominent. Les centres de services et finan­ciers tels que Zurich ou Bâle-Ville, ainsi que les régions purement touris­tiques, sont en revanche moins touchés.

Dans l’hypothèse d’un droit de douane de 10% sur les produits pharma­ceu­tiques, Bâle-Ville serait la plus touchée par les droits de douane améri­cains. L’analyse montre que ce n’est pas seulement le volume des expor­ta­tions qui compte, mais aussi et surtout la part de création de valeur qui détermine la vulné­ra­bilité d’une économie face aux mesures protec­tion­nistes d’outre-Atlantique.

Cadre d’analyse

Notre analyse porte uniquement sur les diffé­rences entre régions suisses concernant l’impact direct des droits de douane améri­cains, sans tenir compte de l’impact au niveau des chaînes d’approvisionnement. Nous ne quanti­fions volon­tai­rement aucun montant absolu de pertes ou de gains, car la charge douanière réelle varie fortement en fonction de la taille de l’entreprise, de la structure de la chaîne d’approvisionnement et du pouvoir de négociation. De nombreux expor­ta­teurs peuvent contourner les droits de douane, légalement ou de façon opéra­tion­nelle, par exemple en procédant à un réache­mi­nement via des zones de libre-échange, en avançant certaines étapes de la chaîne de valeur ou en utilisant des règles de type “first-sale”. Ces optimi­sa­tions spéci­fiques aux entre­prises sortent du cadre de cette étude et pourraient atténuer les diffé­rences régio­nales mises en évidence.

Depuis l’annonce de l’introduction de tarifs douaniers améri­cains, le contexte macroé­co­no­mique s’est durci en raison d’une plus grande incer­titude. L’indice relatif à l’activité écono­mique hebdo­ma­daire du SECO a toutefois montré une nouvelle forte tendance à la hausse début 2025. Cette évolution a également été soutenue par une augmen­tation des expor­ta­tions au premier trimestre 2025 (+4,4% en termes réels par rapport à l’année précé­dente). Cela s’explique proba­blement par des livraisons anticipées, les expor­ta­teurs ayant rempli leurs stocks aux États-Unis avant l’entrée en vigueur des droits. Dans le contexte des tensions commer­ciales mondiales et de l’incertitude qui en découle, nous prévoyons une crois­sance modérée du PIB suisse, de 1,1 % en 2025 et de 1,3 % en 2026. Nos résultats régionaux doivent être inter­prétés à la lumière de ce contexte écono­mique global mitigé.

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