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Immobilier durable : une solution au dérèglement climatique ?

02 novembre 2020

Construction, Scaffolding

Les manifestations du dérèglement climatique au cours de ces dernières années sont de plus en plus visibles. Outre l’émoi qu’elles ont pu susciter (comme avec les incendies qui ont ravagé l’Australie entre septembre 2019 et février 2020 ou bien les inondations du mois de février provoquées par les tempêtes Ciara, Dennis et Ellen et tout récemment l’effondrement spectaculaire du glacier de Tourtemagne dans le Valais au début du mois d’août), elles ont surtout révélé la nécessité d’agir et de se préparer activement.

En matière de prise de conscience de cette « urgence » climatique, l’année 2017 a été un tournant en Suisse qui n’a pas attendu longtemps pour se mettre en ordre de marche. En ratifiant l’Accord de Paris, notre pays s’est engagé à diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. En août 2019, cet objectif ambitieux a été revu à la hausse pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Depuis, les cantons s’organisent pour apporter leur pierre à l’édifice. C’est le cas du canton de Fribourg qui souhaite s’engager dans cette « révolution verte » en misant sur le secteur du bâtiment et des énergies renouvelables. Car les chiffres sont éloquents : l’immobilier est responsable de 27% des émissions de dioxyde de carbone en Suisse. [1]

Le lourd bilan carbone du bâtiment

Le fait que le bâtiment pèse lourdement dans la facture énergétique de la Suisse est indéniable. Preuve à l’appui avec les chiffres du Programme Bâtiment (2018) selon lesquels les bâtiments sont à l’origine de 40% de la consommation d’énergie. Par ailleurs, plus d’un million de logements sont peu ou pas du tout isolés, tandis que la majorité du parc résidentiel (60%) est encore chauffée au moyen des énergies fossiles (mazout et gaz) ou bien directement par l’alimentation électrique (10% du parc). Le canton de Fribourg fait figure de bon élève avec un bâtiment sur deux qui est chauffé au moyen d’énergies fossiles et une part des énergies renouvelables plus importante (25% du parc chauffé par des pompes à chaleur contre 12% pour la Suisse selon le registre des bâtiments et des logements de 2015).

Transition énergétique : le canton de Fribourg est sur la bonne voie …

Le cap est fixé : la neutralité carbone. Le calendrier est arrêté : 2050. Pour atteindre cet objectif, plusieurs pistes se dessinent comme améliorer l’isolation thermique de l’enveloppe des bâtiments, augmenter la part des énergies renouvelables ou bien consommer moins d’énergie grâce à une régulation automatique de la température ambiante par exemple. Le remplacement du système de chauffage permet également de réduire l’empreinte carbone du bâtiment. Cette option consiste à changer le système traditionnel de chauffage à énergie fossile (gaz, mazout) par un système utilisant les énergies renouvelables (pommes à chaleur, panneaux photovoltaïques). Réduire la consommation d’énergie fossile en privilégiant l’utilisation des énergies renouvelables, c’est justement la stratégie que le canton de Fribourg souhaite suivre pour atteindre son objectif d’une « société à 4’000 watts d’ici 2030 ». Avec la nouvelle loi sur l’énergie qui est entrée en vigueur au 1er janvier 2020, l’installation de système de chauffage à mazout ou à gaz sera en effet conditionnée à l’utilisation d’énergies renouvelables avec l’obligation de couvrir au moins 30% des besoins thermiques pour une nouvelle construction et 20% pour une rénovation d’un système de chauffage.

Le canton de Fribourg a donc bien amorcé sa transition énergétique et climatique en promouvant des solutions bas carbone pour le système de chauffage. En effet, en analysant la part de marché de systèmes de chauffage dans les nouveaux permis de construire, la part des énergies fossiles représentait 68% des investissements au début des années 2000. Elle est tombée à moins de 5% aujourd’hui en faveur des pompes à chaleur et des systèmes photovoltaïques dont la hausse est continue depuis 2010.

… grâce à un programme de subventions incitatif et performant

Le passage des énergies fossiles aux énergies renouvelables pour le chauffage permet de réduire l’empreinte carbone des bâtiments. En effet, selon les mesures du CECB, les émissions de dioxyde de carbone pour les bâtiments chauffés au mazout sont 7 fois plus élevées que celles des bâtiments équipés de pompes à chaleur.

Pour inciter les particuliers et les professionnels à investir dans l’immobilier « durable », les collectivités publiques proposent desprogrammes de subventions encourageant la mise en œuvre de solutions efficaces en termes d’énergie renouvelable comme le Programme Bâtiment qui a été mis en place par la Confédération et les cantons en 2010. Selon les derniers chiffres publiés en 2018, le canton de Fribourg se situe au-dessus de la moyenne Suisse en termes de subvention (28 CHF dépensé par habitant en moyenne contre 25 CHF pour la Suisse). Plus de 80% des fonds sont investis dans des projets d’isolation thermique et de technique du bâtiment (contre 68% pour la Suisse).

Ces mesures d’aide du canton de Fribourg apportent une contribution plus importante à la protection de l’environnement avec une facture énergétique et une empreinte carbone qui ont été presque divisées par deux si on compare les chiffres au niveau de la Suisse. En 2018, le Programme Bâtiment a en effet permis une réduction de 294 kg par habitant pour les émissions de dioxyde de carbone et de 1’112 MWh par habitant pour la consommation énergétique. Si on se réfère aux chiffres pour la Suisse, cette baisse représente 152 kg par habitant pour les émissions de dioxyde de carbone et de 640 MWh par habitant pour la consommation énergétique . Ainsi, le canton de Fribourg se positionne comme un acteur proactif dans la transition énergétique comme en témoigne les chiffres du Programme Bâtiment.

Jouer la carte « verte » est-elle rentable pour les investisseurs ?

En Suisse, la défense de l’environnement n’est pas un thème nouveau, mais l’irruption de la pandémie et les longues semaines de confinement qui ont suivi ont fait naître chez de nombreux concitoyens de nouvelles aspirations en termes de mode de vie et de consommation. Le lockdown aura certainement convaincu les derniers réticents à franchir le pas vers une transition énergétique qui soit respectueuse de l’environnement. Par ailleurs, les futures lois en discussion aussi bien sur le plan fédéral que cantonal vont, si ce n’est pas renchérir les énergies fossiles, limiter leur utilisation. Il est donc pertinent d’investir aujourd’hui dans les constructions durables.

La durabilité demeure un vent porteur pour les acteurs de l’immobilier en quête de nouvelles opportunités. Même si les efforts écologiques représentent des travaux coûteux, ces dépenses permettent de gérer de l’immobilier locatif de façon pérenne ce qui est le souhait de plus en plus d’investisseurs. Les arguments à mettre en avant sont nombreux comme la réduction de la facture énergétique, la fidélisation des locataires si le logement bénéficie d’un confort supplémentaire et la garantie de revendre son bien à bon prix. Opter pour la rénovation du système de chauffage comporte donc plusieurs avantages aussi bien pour les investisseurs, les propriétaires que les locataires. 

De la prise de conscience à l’action

La crise sanitaire n’a pas relégué l’urgence climatique au second plan. Loin de là. En France par exemple, le gouvernement a inscrit la transition écologique dans son plan de relance économique qu’il vient juste de dévoiler le 3 septembre dernier. Avec comme objectif de redresser l’économie française sur deux ans, ce plan ambitieux de 100 milliards d’euros consacrera une enveloppe de 30 milliards à la transition écologique dont 7 seront alloués à la rénovation thermique des bâtiments. En pariant sur une « relance verte », la France souhaite donc franchir une étape décisive vers la décarbonation de son économie pour atteindre cet objectif de neutralité carbone pour 2050.

Le question climatique est également un sujet qui préoccupe le gendarme bancaire. En effet, la Banque Centrale Européenne n’a pas attendu la fin du confinement pour publier son guide relatif aux risques liés au climat et à l’environnement. Dans ce guide, elle exhorte les banques à modéliser ces risques sous peine de voir se dégrader la valeur de leurs actifs. Bien qu’aucune sanction ne soit actuellement prévue pour les banques qui n’adapteraient pas immédiatement leur stratégie concernant la gestion du risque de crédit, la pression réglementaire pour réduire le lourd bilan carbone du secteur immobilier pourrait s’accentuer dans les années à venir.

L’industrie immobilière a aujourd’hui bien intégré le fait qu’elle va devoir s’engager à son tour dans ce « virage climatique » en investissant dans l’immobilier durable. Il s’agit maintenant de dépasser la prise de conscience et d’entrer dans l’action en faisant preuve d’innovation dans les nouvelles constructions et dans l’entretien et la rénovation du parc existant.

Source

[1] Selon l’Office fédéral de l’environnement (OFEV), le bâtiment est le deuxième contributeur aux émissions de gaz à effet de serre (avec une production de près de 13 millions de tonnes d’équivalents C0par an contre 15 pour le trafic et 11 pour l’industrie).

Contribution supplémentaire (en allmand): Kreislaufwirtschaft: Strategien im Umgang mit Bestandsbauten