Pénurie de logements en Europe : quels sont les pays les plus touchés ?
Publiée: 10 août 2025Dernière mise à jour : 11 août 2025
La pénurie de logements constitue un défi majeur et occupe le débat public dans de nombreux pays européens. Face à ce contexte, nous avons mené une nouvelle étude visant à identifier les pays les plus durement touchés par cette crise. À partir de données comparables pour 28 pays européens, l’étude propose un indice synthétique mesurant l’ampleur de la pénurie de logements. L’indice évalue le degré de rareté du logement en combinant plusieurs indicateurs clés, tels que l’évolution des loyers, de la construction neuve, ou encore la part que représentent les dépenses liées au logement dans le budget des ménages. L’outil permet à la fois une analyse des spécificités nationales et une comparaison directe entre les pays.
Hausse de loyers généralisée : un signe clair de la pénurie de logements
Une pénurie de logements se traduit généralement par une augmentation sensible des loyers et des prix de l’immobilier. Les 28 pays étudiés ont tous enregistré une hausse des loyers entre le 2e trimestre 2023 et le 2e trimestre 2025. Dans 12 des 28 pays, cette progression dépasse même les 10 % sur deux ans. La hausse a toutefois été plus modérée en France (+4,7 %), ainsi qu’en Espagne, en Finlande, en Allemagne, au Luxembourg, au Danemark et en Estonie, où elle reste inférieure à 5 %. La hausse des loyers concerne avant tout les ménages locataires. En Suisse et en Allemagne, ils représentent environ 60 % des ménages, contre 40 % en France. Dans les pays d’Europe de l’Est, en revanche, cette proportion dépasse rarement 20 %. Cependant, la crise du logement affecte également ceux qui aspirent à devenir propriétaires. Dans 18 des 28 pays européens analysés, les prix des logements ont augmenté plus rapidement que les revenus au cours des 10 dernières années.
Déséquilibre croissant entre offre et demande
La hausse des loyers et des prix de l’immobilier observée dans de nombreux pays européens s’explique par plusieurs facteurs. Le déséquilibre marqué entre une demande en forte croissance et une activité de construction neuve en recul joue ici un rôle particulièrement important.
Évolutions démographiques : dans la majorité des pays européens, la population a augmenté ces dernières années (+0,9 % en moyenne entre 2022 et 2024), ce qui a dopé la demande de logements.
Recul de la construction : de nombreux pays ont connu un net ralentissement de l’activité de construction ces dernières années : dans la moitié d’entre eux (dont la France), le nombre de logements autorisés à la construction a même reculé de plus de 20 % entre 2019 et 2024.
Un indice pour mesurer la sévérité de la pénurie de logements
L’indice de pénurie de logements repose sur des données provenant de 28 pays européens et intègre 14 variables clés reflétant l’offre, la demande et les coûts sur le marché du logement. Parmi les variables analysées figurent l’évolution des loyers et des prix de l’immobilier, l’activité de construction, le stock disponible, la pression démographique, ou encore le poids du logement dans le budget des ménages (retrouvez la méthodologie détaillée dans l’étude complète).
Quels pays sont les plus durement touchés par la pénurie de logements ?
La France arrive à la 14e place du classement
Compte tenu des vifs débats autour de la crise du logement en France et de la difficulté croissante à se loger dans les grandes villes — en particulier pour les jeunes actifs et les étudiants — ce classement « intermédiaire » à l’échelle européenne peut surprendre. Cette position s’explique toutefois, d’une part, par le fait que le classement reflète une situation agrégée à l’échelle nationale, alors que le territoire français se caractérise par une très forte hétérogénéité entre les zones les plus tendues et celles moins affectées. D’autre part, certaines spécificités du marché français contribuent à atténuer la pénurie.
Une situation très différente selon les régions
Le classement à la 14e place ne signifie pas que la pénurie de logements ne soit pas un enjeu important en France. L’indice reflète la situation nationale, mais masque de profondes disparités territoriales. À Paris, par exemple, les loyers avoisinent les 30 €/m² par mois, soit près du double de la moyenne nationale. Ainsi, si les dépenses liées au logement représentent en moyenne 20 % du budget des ménages français selon les données de l’OCDE, plusieurs études récentes suggèrent que cette part serait comprise entre 33 % et 35 % à Paris (sources : manda.fr, flatlooker.fr). À l’inverse, de vastes portions du territoire national restent très abordables. C’est par exemple le cas de départements comme la Haute-Saône, le Cantal, les Ardennes ou la Corrèze, où les niveaux de prix et de loyers demeurent nettement inférieurs à la moyenne nationale (pour plus de détails : lire notre article « Marché résidentiel français : dernières évolutions et perspectives »).
Loyers et prix ont moins augmenté en France que dans d’autres pays européens
En comparaison internationale, la hausse des loyers en France au cours des deux dernières années est restée modérée : +4,7 %, contre une moyenne de +9,8 % pour l’ensemble des 28 pays étudiés. Des mesures politiques comme le « bouclier loyer » (2022–2024), limitant la hausse des loyers à 3,5 % par an, ont probablement contribué à cette stabilité. Par ailleurs, les prix des logements ont progressé moins vite que les revenus au cours de la dernière décennie. Toutefois, l’accessibilité à la propriété reste un défi majeur, notamment en raison de la hausse des taux d’intérêt. Selon notre étude publiée dans l’Immo-Monitoring France 2024, seuls 30 % des ménages français avaient un revenu suffisant pour acquérir un appartement au début de l’année 2024 (lire l’article de blog « Les prix des logements en propriété sont-ils abordables ? »).
Un parc globalement suffisant mais vétuste
Bien que la France semble à première vue disposer d’un parc suffisant de logements, environ 8 % d’entre eux (soit 3 millions d’unités) sont vacants – souvent en raison de leur vétusté ou de leur inadéquation avec la demande. De plus, l’interdiction de louer des « passoires thermiques », qui entre en vigueur progressivement à partir de 2025, risque d’amplifier ce phénomène en retirant certains biens du marché locatif. Parallèlement, l’essor de la demande de logements en France a été plus timide qu’ailleurs, car la croissance démographique y a été moins prononcée au cours des deux dernières années.
1er rang : Luxembourg
D’après notre indice, le Luxembourg est le pays où la pénurie de logements est la plus sévère, suivi par l’Irlande, la Norvège et la Suisse. Porté par une économie florissante – son PIB par habitant est le plus élevé d’Europe – et une forte croissance démographique (+4 % de population, +5 % de ménages en deux ans), la demande de logements y est particulièrement élevée. Or, l’offre ne suit pas : le parc de logements par habitant y est le plus bas de l’échantillon étudié. Ce déséquilibre majeur entre l’offre et la demande explique pourquoi le Luxembourg affiche le rapport entre les coûts du logement et les revenus des ménages le plus élevé.
Les prix élevés ont notamment pour effet que de nombreux Luxembourgeois retardent leur départ du foyer parental, voire choisissent de quitter le pays, faute de logements abordables. Parallèlement, le nombre de travailleurs frontaliers en provenance de Belgique, d’Allemagne et de France ne cesse d’augmenter, ce qui contribue à la hausse des prix dans les régions frontalières. De plus, de nombreux nouveaux arrivants internationaux se tournent vers des solutions temporaires, comme la colocation.
2e rang : Irlande
L’Irlande occupe la deuxième position dans notre classement de la sévérité de la pénurie de logements. Certes, son PIB par habitant est élevé, mais cela reflète surtout les profits des multinationales installées dans le pays plutôt que le niveau de vie réel des habitants. En effet, le revenu disponible par habitant y dépasse à peine la moyenne des 28 pays analysés.
Les coûts du logement restent globalement modérés en Irlande (16 % des revenus en moyenne). Mais le pays souffre d’un sévère manque de logements. Avec 417 logements pour 1000 habitants, son stock est bien en dessous de la moyenne des 28 pays (512 logements pour 1000 habitants). Parallèlement, l’Irlande connaît l’une des croissances démographiques les plus fortes d’Europe (+3,8 % en deux ans), accentuant la pression sur le marché du logement. Les loyers ont ainsi progressé de 13,5 % en Irlande entre le 2e trimestre 2023 et le 2e trimestre 2025.
4e rang : Suisse
La Suisse occupe la quatrième place dans notre classement. La pénurie et la cherté du logement y sont, depuis quelques années, au cœur du débat politique. Certes, le nombre de logements pour 1000 habitants se situe dans la moyenne européenne, mais la forte croissance démographique – portée principalement par la création de nouveaux emplois plutôt que par les naissances – a dopé la demande. Or, l’offre ne suit pas : le nombre d’annonces de logements locatifs y a chuté de près de 40 % au cours des cinq dernières années. Par ailleurs, si la hausse des loyers a été relativement modérée par rapport à d’autres pays, elle touche une large part de la population suisse (60 % des ménages sont locataires). Et le fort renchérissement des prix des logements a rendu l’accession à la propriété de plus en plus difficile.
Europe de l’Est : des coûts modérés, mais des conditions parfois précaires
Les pays d’Europe de l’Est, tels que la Bulgarie, la Lettonie, la Slovaquie, l’Estonie, la Croatie, la République tchèque et la Pologne, occupent majoritairement le bas de notre classement. Bien que les loyers y aient fortement augmenté (souvent plus de 10 % sur deux ans, en lien avec une inflation galopante), l’impact reste limité, car la grande majorité des ménages sont propriétaires. En Lettonie, les dépenses liées au logement ne représentent qu’environ 9 % du revenu, contre 12 % en Estonie et en République tchèque.
Un facteur clé est la part élevée de propriétaires sans dette : en Croatie, en Pologne ou en Roumanie, plus de 80 % des ménages possèdent leur logement en pleine propriété, ce qui réduit leur vulnérabilité face aux fluctuations du marché et renforce leur stabilité financière. À cela s’ajoute une croissance démographique faible, voire négative, qui atténue la pression sur les marchés immobiliers.
Mais cette relative détente du marché s’accompagne aussi de conditions de vie parfois dégradées. Dans plusieurs pays d’Europe de l’Est, de nombreux ménages n’ont pas les moyens de s’offrir des logements plus spacieux. En Lettonie et en Pologne, près de 30 % des habitants vivent ainsi dans des conditions de surpeuplement.

Pour en savoir plus sur les perspectives à court et à long terme des marchés immobiliers en France, consultez l’Immo-Monitoring.