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ESG et immobilier : intégrer l’environnement, repenser l’économie

Publiée: 15 février 2024Dernière mise à jour : 22 avril 2025

En raison du réchauf­fement clima­tique et de la légis­lation pour y faire face, le secteur immobilier est à la croisée des chemins : ses acteurs doivent embrasser le changement, ou courent le risque d’être dépassés. Marc Yehya, Manager ESG chez Wüest Partner France, explique les nouvelles règles du jeu et comment en tirer parti malgré leur apparente complexité.

Selon l’Agence inter­na­tionale de l’énergie (AIE), l’industrie immobi­lière est en tête des secteurs émetteurs de gaz à effet de serre (GES), contri­buant à hauteur de 38 % aux émissions mondiales. En parallèle, ce secteur se carac­térise par sa consom­mation énergé­tique signi­fi­cative, repré­sentant 35 % de la consom­mation globale en 2019 selon la Global Alliance for Buildings and Construction, une initiative associée aux Nations Unies.

Consom­mation d’énergie et émissions de CO2 du secteur immobilier, 2019

Distri­bution de la consom­mation d’énergie à l’échelle mondiale (2019)
Consommation d'énergie en 2019
Distri­bution des émissions carbone à l’échelle mondiale
(2019)
Emissions carbone en 2019

Source : Global Alliance for Buildings and Construction, 2020 (AIE 2020d ; AIE 2020b). Tous droits réservés. Adapté de « IEA World Energy Statistics and Balances » and « Energy Technology Perspec­tives« 
Note : Les secteurs du bâtiment et de construction repré­sentent la part (estimée) de l’ensemble des entre­prises qui se consacrent à la fabri­cation de matériaux de construction tels que l’acier, le ciment et le verra. Les émissions indirectes corres­pondant aux émissions liées à la production d’élec­tricité et de chaleur commer­cia­lisée.

Début 2023, le GIEC identi­fiait le rôle crucial du secteur immobilier dans la lutte contre le changement clima­tique, avec une capacité de réduction des émissions de GES estimée à 66 % d’ici 2050, se plaçant ainsi juste après le transport terrestre et la production d’électricité. Ce constat met en évidence l’urgence d’actions concrètes dans le secteur pour atteindre les objectifs clima­tiques. Cette nécessité explique la multi­pli­cation des mesures légis­la­tives, témoins de la volonté des autorités de s’attaquer vigou­reu­sement aux défis environ­ne­mentaux.

Potentiel de décar­bo­nation des secteurs écono­miques jusqu’en 2050 

Source : GIEC / Obser­va­toire de l’immobilier durable, 2023

Les mesures affectant l’immo­bilier en France

Confor­mément aux objectifs de l’Accord de Paris, visant à maintenir le réchauf­fement clima­tique en dessous de deux degrés Celsius et à progresser vers une économie décar­bonée d’ici la seconde moitié du XXIe siècle, la France cible parti­cu­liè­rement le secteur immobilier. La régle­men­tation RE2020 se distingue par son approche ciblant les nouvelles construc­tions pour diminuer consi­dé­ra­blement les émissions de carbone, aussi bien incor­porées qu’opé­ra­tion­nelles. La régle­men­tation définit des normes élevées en matière d’effi­cacité énergé­tique et d’impact carbone, alignées avec les néces­sités écolo­giques actuelles.

En parallèle, le décret tertiaire s’attaque à l’amé­lio­ration de la perfor­mance énergé­tique des bâtiments existants du secteur des services, une démarche essen­tielle pour les rendre plus durables et écolo­giques. Pour compléter ce dispo­sitif, le décret sur les systèmes d’auto­ma­ti­sation et de contrôle des bâtiments non résiden­tiels (BACS) encourage l’inté­gration de solutions techno­lo­giques avancées pour optimiser la gestion énergé­tique des bâtiments.

Enfin, la loi sur la Zéro Artifi­cia­li­sation Nette (ZAN) renforce ces efforts en favorisant la préser­vation de la biodi­versité et la séques­tration du carbone, rendant l’approche environ­ne­mentale plus holis­tique. Ces initia­tives, qui couvrent les nouvelles construc­tions et les bâtiments existants, illus­trent la déter­mi­nation de la France à réduire l’impact environ­ne­mental de l’immo­bilier, un secteur clé pour atteindre ses ambitions clima­tiques.

Quant à l’Union européenne, elle a introduit le Pacte vert pour l’Europe en 2019, concrétisé par l’introduction des critères ESG. Ils permettent de mesurer les perfor­mances extra-financières des entre­prises et se basent sur la taxinomie européenne. Aux côtés de mesures favorisant la finance durable, cet ensemble vise à encou­rager le finan­cement privé de techno­logies de transition. Le paquet de mesures le plus récent a été présenté en juin 2023 et devrait entrer en vigueur en janvier 2024.

Les critères ESG sont avant tout un système de notation pour orienter les flux de capitaux du secteur financier vers des inves­tis­se­ments durables. Si l’idée initiale est bonne, son  appli­cation, notamment en termes de collecte de données et d’évaluation, souffre actuel­lement d’un manque de trans­pa­rence et donc de fiabilité. La Commission européenne constate cette nécessité, d’où les mesures d’ajustement précitées. L’évaluation ESG est appli­cable à tout type d’entreprise, y compris celles du secteur immobilier.

Le présent article tente d’expliquer ce que signifie l’ESG pour les acteurs de l’immobilier, en parti­culier la dimension environ­ne­mentale (repré­sentée par la lettre E), et comment y voir une oppor­tunité plutôt qu’une contrainte légis­lative. Cela nécessite un changement du mode de penser : pour survivre, l’immobilier devra changer de modèle écono­mique.

Pour l’immobilier, le grand focus est sur le E

L’acronyme ESG, qui signifie Environ­ne­mental, Social et Gouver­nance, englobe une série d’indi­ca­teurs adaptés à divers secteurs, y compris l’immo­bilier. Pour le volet Environ­ne­mental, les indica­teurs peuvent inclure l’effi­cacité énergé­tique des bâtiments, la gestion des déchets et l’impact sur la biodi­versité. Ceux du volet Social mettent l’accent sur des éléments tels que la sécurité et les condi­tions de travail, l’acces­si­bilité et l’abor­da­bilité du logement, ainsi que l’enga­gement commu­nau­taire. Les critères relatifs à la Gouver­nance se concentrent sur la conformité régle­men­taire dans le secteur de la construction, la gestion de la chaîne d’approvisionnement et l’impact terri­torial.

Pour l’immobilier, l’aspect « Environ­ne­mental » des critères ESG est considéré comme le plus important, car il répond à l’urgence clima­tique avec des indica­teurs comme les émissions de GES ou la consom­mation énergé­tique, qui sont techni­quement plus simples à mesurer que les indica­teurs sociaux et de gouver­nance. Cette priorité reflète à la fois l’impé­ratif écolo­gique et la facilité de quanti­fi­cation des impacts environ­ne­mentaux des bâtiments.

Face à un climat en constante évolution, la résilience clima­tique devient un enjeu crucial pour le secteur immobilier. Cette approche dépasse la simple consi­dé­ration écolo­gique et s’avère être une stratégie écono­mique déter­mi­nante. Avec la construction de bâtiments conçus pour résister aux change­ments clima­tiques, le secteur peut non seulement limiter les coûts futurs liés aux catas­trophes naturelles, mais aussi garantir une activité écono­mique ininter­rompue. La résilience aux condi­tions météo­ro­lo­giques extrêmes devient ainsi un pilier fonda­mental dans la stratégie globale du secteur, souli­gnant la nécessité d’adapter les pratiques de construction aux réalités d’un climat changeant.

Le modèle écono­mique actuel du bâtiment n’est plus viable

Sans détailler davantage les diverses régle­men­ta­tions, leur influence majeure sur le secteur immobilier mérite d’être soulignée : elles incitent à repenser un modèle écono­mique tradi­tion­nel­lement linéaire. Alors que certains acteurs ont pu favoriser les gains à court terme, cette approche devient obsolète avec l’émer­gence d’un nouveau paradigme, introduit par la fin de l’ère de l« abondance ». Si l’ancien modèle envisa­geait l’immobilier comme une simple source de profit, le nouveau cède la place à une vision plus durable et circu­laire, où l’inves­tis­sement immobilier est envisagé non plus comme une fin en soi, mais comme une pièce centrale d’un système écono­mique plus respon­sable et renou­ve­lable.

Ce changement de paradigme se constate lors des réunions de cadrage ou des négocia­tions entre promo­teurs et inves­tis­seurs. Les premiers, confrontés à des coûts plus élevés dus à des pratiques plus durables, redoublent d’ingé­niosité, tandis que les inves­tis­seurs restent préoc­cupés par la renta­bilité. Cela met en évidence un défi majeur : trouver un équilibre entre l’aug­men­tation des dépenses liées à la construction durable et le maintien de la viabilité écono­mique des projets, parti­cu­liè­rement en période d’inflation élevée.

La frilosité des inves­tis­seurs est compré­hen­sible, car c’est à eux de porter les efforts finan­ciers. Pour se conformer à la régle­men­tation RE2020 par exemple, les coûts de construction sont plus élevés de 10 % en moyenne. Les réticences s’expliquent très simplement : les inves­tis­seurs s’aventurent en terrain inconnu. Il n’existe pas encore suffi­samment de données concernant le retour sur inves­tis­sement dans le nouvel environ­nement, autant pour la construction de bâtiments neufs que pour la rénovation de l’existant.

Le conseil immobilier permet de dissiper les doutes

Le risque autour de cette incer­titude, c’est l’inaction. À première vue, il peut sembler plus sage de ne pas s’engager dans une nouvelle voie. Rares sont les inves­tis­seurs voulant endosser le rôle du défri­cheur, permettant poten­tiel­lement aux autres acteurs de tirer profit de leurs tâton­ne­ments qu’ils craignent de payer cher.

C’est préci­sément dans ce type de situation qu’un conseil immobilier révèle son utilité. Wüest Partner adopte une approche ration­nelle permettant de diminuer l’incertitude de plusieurs manières :

  • En utilisant des données recueillies à grande échelle par des outils spécia­lisés, Wüest Partner accom­pagne les projets du neuf dès leur phase de conception et tout au long de leur cycle de vie, afin de prendre les bonnes orien­ta­tions et de corriger le tir si néces­saire.
  • Wüest Partner est en mesure de familia­riser les acteurs avec la taxonomie ou la logique de l’ESG pour s’y conformer avec précision, tout en veillant à l’aspect financier.
  • De nouveaux concepts peuvent être présentés, tels que la réver­si­bilité, permettant la conception de bâtiments multi-fonctions qui peuvent être aisément adaptés à de nouvelles utili­sa­tions, si néces­saire. Les bâtiments sont en quelque sorte dotés de plusieurs vies dès leur création.
  • Par une obser­vation constante du secteur et des recherches sur les effets du climat, des conseils peuvent être prodigués concernant l’implantation des projets. Le réchauf­fement clima­tique augmente le nombre et l’intensité de phéno­mènes météo­ro­lo­giques plus extrêmes, comme les tempêtes, les canicules, les inonda­tions et bien d’autres encore.
  • En matière de rénovation, des recom­man­da­tions peuvent être proposées pour améliorer la résilience des bâtiments, optimiser leur perfor­mance énergé­tique et élaborer des itiné­raires de réduction de GES.

Pour éviter le piège de l’inaction, qui peut devenir coûteux à moyen terme, notamment avec un durcis­sement constant des régle­men­ta­tions, l’accom­pa­gnement par des experts permet de se positionner en pionnier de l’immobilier durable, tout en calculant les risques.

Les perdants d’aujourd’hui seront les gagnants de demain

La mauvaise nouvelle pour le secteur immobilier : pour se conformer aux nouvelles règles du jeu, une augmen­tation des coûts est inévi­table. Donc à court terme et si l’on continue de juger son activité avec les critères tradi­tionnels, les acteurs seront perdants. C’est toute la diffi­culté de la transition que nous vivons actuel­lement, elle nécessite un changement radical du mode de penser ces activités.

Tout changement est difficile et conduit inévi­ta­blement à l’incertitude. Ce qu’il faut comprendre, c’est que cette évolution est néces­saire. Pour rappeler ce qui est en jeu : à très long terme, c’est notre survie. À plus court terme, nous façonnons aujourd’hui le type de société dans laquelle nous vivrons.

L’Agence de l’envi­ron­nement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) a établi quatre scénarios pour une  neutralité carbone à l’horizon 2050, allant d’une société frugale, dans laquelle notre mode de consom­mation est radica­lement réduit, au pari risqué de ne rien changer en espérant que des techno­logies, hypothé­tiques pour l’heure, absor­beront les travers de notre économie exploitant plus de ressources qu’il n’en existe.

4 grands piliers de la société en 2050 selon l’ADEME
Génération Frugale
Coopé­ra­tions terri­to­riales
Techno­logies vertes
Pari Réparateur

Pour en savoir plus, consulter le site de l’ADEME, les futurs en transition

L´immobilier durable peut être aussi profi­table que le modèle tradi­tionnel

Pour redevenir plus pragma­tique, cette évolution ne doit pas néces­sai­rement se faire à fonds perdus. En faisant l’effort d’accepter ce changement et ses consé­quences, en acquérant les connais­sances requises et en osant prendre des risques aussi calculés que possible, il est tout à fait possible que le nouvel immobilier durable soit en fin de compte tout aussi viable que l’ancien. Mais cela veut dire suivre une autre logique, celle de la durabilité.

Les bâtiments frugaux, vertueux et durables sont un bon exemple : ils sont conçus pour minimiser leur impact environ­ne­mental tout en maximisant l’effi­cacité énergé­tique, notamment grâce à l’usage de matériaux écolo­giques. Ces bâtiments génèrent de la valeur verte de plusieurs manières : ils réduisent les coûts opéra­tionnels grâce à une consom­mation énergé­tique moindre, utilisent des énergies renou­ve­lables et permettent une meilleure gestion des ressources. Ensuite, ils offrent un cadre de vie ou de travail plus sain et plus confor­table, pouvant améliorer la produc­tivité et le bien-être des occupants. Leur faible impact environ­ne­mental et leur durabilité les rendent attractifs aux inves­tis­seurs et locataires soucieux de l’envi­ron­nement. Ces carac­té­ris­tiques peuvent de plus augmenter leur valeur immobi­lière. Enfin, en répondant aux normes environ­ne­men­tales élevées, ces bâtiments peuvent bénéficier d’avan­tages fiscaux ou de subven­tions, renforçant encore leur attrait écono­mique.

En dernier lieu, l’adaptation aux nouvelles règles permettra de maintenir ou même d’augmenter la valori­sation des bâtiments pour éviter qu’ils deviennent ce qu’on appelle des stranded assets en anglais, ou des actifs obsoles­cents, épaves de la transition énergé­tique. Nous sommes à l’orée d’un nouveau monde écono­mique et d’un nouvel immobilier – et il y a sans aucun doute plus de raisons de le découvrir que de le redouter.

Si vous souhaitez obtenir plus d’informations sur les oppor­tu­nités de l’immobilier durable, n’hésitez pas à nous contacter.

Marc Yehya occupe le poste de Manager ESG chez Wüest Partner France. Titulaire d’un diplôme d’ingé­nieur civil et d’un doctorat en sciences des matériaux, il possède une expertise appro­fondie en matière de durabilité et de l’impact des critères ESG dans le secteur immobilier.