Vers le contenu

Acces­si­bilité finan­cière au logement en France : état des lieux 2025–2026

Publiée: 20 novembre 2025Dernière mise à jour : 01 décembre 2025

En 2025, 57,4 % des ménages français sont proprié­taires de leur logement (source : Insee). Pourtant, selon une récente enquête Ipsos, plus des deux tiers des locataires souhai­te­raient accéder à la propriété. Ce chiffre montre à quel point posséder son logement reste perçu comme une étape clé de la vie et un gage de sécurité finan­cière. Mais pour beaucoup, ce rêve paraît hors de portée. Les craintes liées à la capacité d’achat immobilier sont-elles fondées ?

Pour le savoir, cet article analyse l’évolution des revenus des ménages et des prix immobi­liers au fil du temps, puis évalue, dans les condi­tions actuelles — taux d’intérêt, niveaux de prix, revenus — quelle part des ménages peut réellement acheter un logement. L’étude se penche sur la situation à l’échelle nationale, par dépar­tement et dans les grandes villes, afin de dresser un panorama précis de l’accessibilité à la propriété en France.

Combien d’années de revenus faut-il pour acheter un logement en France ?

À partir des données de l’Insee sur les revenus et des prix des logements de Wüest Partner, ajustés selon l’indice des prix des logements anciens de l’Insee, nous avons estimé l’évolution du nombre d’années de revenu néces­saires pour acquérir un logement type. La figure 1 illustre ces résultats pour un appar­tement de 80 m² et une maison de 120 m².

En 1996, il fallait environ 5,5 années d’un revenu français médian pour acheter un appar­tement ou une maison. La flambée des prix dans les années 2000 a fortement creusé cet écart : en 2006, plus de 9 ans de revenus étaient néces­saires pour acquérir une maison compa­rable. Depuis, prix et revenus ont évolué plus paral­lè­lement.

Ces trois dernières années, la hausse des taux d’intérêt a contribué à une baisse sensible des prix (–4,6 % pour les appar­te­ments, –4,2 % pour les maisons), tandis que les revenus nominaux ont progressé. En 2025, il faut désormais 7,8 années de revenu médian pour acheter un appar­tement et 7,2 pour une maison, contre respec­ti­vement 9,3 et 8,5 en 2022.

Il pourrait paraître surprenant que la maison indivi­duelle type soit plus abordable au niveau national que l’appartement type. Cela s’explique d’une part par leur locali­sation : la majorité des appar­te­ments se trouvent en milieu urbain, où les prix sont plus élevés, tandis que de nombreuses maisons sont situées en périphérie ou en zone rurale. D’autre part, le standard en termes d’aménagement et de construction est en général plus élevé pour les appar­te­ments, ce qui contribue également à leur coût supérieur.

Le ratio prix/revenu donne une première mesure de l’accessibilité, mais il ne suffit pas à lui seul : pour évaluer le pouvoir d’achat immobilier réel, il faut aussi tenir compte de l’évolution des taux d’intérêt et des condi­tions de finan­cement.

Données et méthodes

Le prix des logements types — appar­tement de 80 m² et maison de 120 m² — est estimé à partir des prix de l’offre au m² issus de la base de données Wüest Partner. Les revenus des ménages proviennent des données de l’Insee (Filosofi, comptes nationaux). L’analyse repose sur l’hypothèse d’un finan­cement à 80 % par emprunt et 20 % d’apport personnel. Le crédit est considéré à taux fixe de 3,2 % sur 25 ans (source : Obser­va­toire Crédit Logement / CSA, état : octobre 2025). Les règles usuelles recom­mandées par le Haut Conseil de stabilité finan­cière (HCSF) lors de l’octroi d’un crédit ont été appli­quées, c’est-à-dire que les charges annuelles liées au logement (amortis­sement, intérêts et assurance emprunteur de 0,35 %) ne doivent pas dépasser 35 % du revenu annuel du ménage. Pour calculer ce revenu, les données de l’Insee (Filosofi) sur les quantiles du revenu dispo­nible des ménages en 2021 ont été utilisées. Le revenu dispo­nible comprend les revenus d’activités, mais également les pensions, trans­ferts et autres presta­tions sociales. Après ajustement pour la taille du ménage et l’évolution des salaires entre 2021 et 2025, il a été possible de construire une estimation des quantiles de revenus des ménages par dépar­tement et par ville et de déter­miner la part des ménages disposant de revenus suffi­sants pour accéder à la propriété.

Acces­si­bilité finan­cière au logement : résultats nationaux

À l’échelle nationale, le revenu médian des ménages s’élève à 39 700 euros par an. Pour acquérir l’appartement type de 80 m² (prix : 310 600 euros), il faudrait toutefois disposer d’un revenu annuel de 44 200 euros, et pour la maison type de 120 m² (prix : 286 600 euros) c’est 40 800 euros. Aux condi­tions de finan­cement actuelles, les prix dépassent donc les capacités d’un ménage médian. Selon la distri­bution des revenus, 40 % des ménages disposent des ressources néces­saires pour acheter l’appartement type, et 48 % pour la maison.

Si le rêve de propriété reste encore hors de portée pour nombre de ménages français, la situation s’est néanmoins sensi­blement améliorée depuis fin 2023. À cette période, les taux d’intérêt culmi­naient à 4,2 % et les prix immobi­liers étaient plus élevés qu’aujourd’hui. Résultat : seuls 27 % des ménages pouvaient alors acheter l’appartement type, et 33 % la maison. La baisse des taux et le repli des prix ont donc redonné un peu d’air au pouvoir d’achat immobilier des ménages.

Acces­si­bilité finan­cière au logement : de grands écarts entre les dépar­te­ments

Appar­te­ments

L’accessibilité finan­cière à la propriété varie fortement d’un dépar­tement à l’autre. Les dépar­te­ments les moins acces­sibles sont Paris et les Alpes-Maritimes, où moins de 20 % des ménages disposent des revenus néces­saires pour acheter un appar­tement de 80 m². De manière plus générale, la situation reste tendue dans plusieurs dépar­te­ments d’Île-de-France (Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Hauts-de-Seine), dans les régions alpines (Savoie, Haute-Savoie), en Corse, ainsi que dans une grande partie des dépar­te­ments littoraux, notamment en Méditer­ranée et sur l’Atlantique.

Paral­lè­lement, de nombreux terri­toires restent très abordables : dans 64 des 96 dépar­te­ments de France métro­po­li­taine, plus de 60 % des ménages dispo­se­raient de revenus suffi­sants pour acquérir un appar­tement type. Les dépar­te­ments les plus acces­sibles — Indre, Haute-Marne, Meuse, Ardennes, Haute-Saône, Nièvre, Creuse — affichent des prix parti­cu­liè­rement bas, souvent inférieurs à 100 000 euros pour un appar­tement de 80 m².

Maisons indivi­duelles

Pour une maison indivi­duelle de 120 m², l’accessibilité est limitée dans un plus grand nombre de régions. Dans 10 dépar­te­ments, moins de 20 % des ménages disposent des revenus suffi­sants pour acheter ce type de bien. Et dans 21 autres, seuls 20 à 40 % des ménages peuvent envisager un tel achat.

Prenons l’exemple du dépar­tement de Pyrénées orien­tales : le revenu médian y atteint 34 000 euros, soit sensi­blement moins que la moyenne nationale, alors que le revenu néces­saire pour l’acquisition de la maison type s’élève à 45 500 euros. Résultat : seuls 25 % des ménages peuvent y accéder. Pour un ménage médian, l’alternative consiste soit à se tourner vers un appar­tement — acces­sible pour plus de la moitié des ménages — soit à viser une maison plus petite, par exemple 90 m², surface compa­tible avec sa capacité d’emprunt.

À l’inverse, 48 des 96 dépar­te­ments permettent aujourd’hui à plus de 60 % des ménages d’accéder à la maison indivi­duelle type. Comme pour les appar­te­ments, les terri­toires les plus abordables sont l’Indre, la Nièvre, la Meuse, la Creuse et la Haute-Marne, où une maison coûte en moyenne moins de 140 000 euros. Malgré des revenus médians plus faibles que la moyenne nationale, ces dépar­te­ments offrent une acces­si­bilité nettement supérieure au reste du pays.

Acces­si­bilité finan­cière au logement : résultats pour les 50 plus grandes villes

Parmi les 50 plus grandes villes de France, seules 20 permettent aujourd’hui à un ménage disposant d’un revenu médian d’acheter l’appartement type.

Mulhouse, Limoges et Saint-Étienne arrivent en tête des villes les plus abordables, avec plus de 80 % des ménages pouvant théori­quement devenir proprié­taires. À Mulhouse, par exemple, le revenu médian n’est que de 28 400 euros, soit près de 30 % de moins que la moyenne nationale. Mais les prix y sont encore plus bas : 132 800 euros pour un appar­tement de 80 m², soit près de 60 % de moins que la moyenne française. Le revenu requis pour l’acquérir est donc inférieur à 20 000 euros, ce qui rend la propriété théori­quement acces­sible pour une large majorité de ménages.

À l’inverse, les villes les moins abordables sont Paris, Nice, Auber­vil­liers, Montreuil, Boulogne-Billancourt, Annecy et Aix-en-Provence, où moins de 20 % des ménages peuvent acheter l’appartement type. Prenons l’exemple de Nice, 5e plus grande ville française : le prix d’un appar­tement de 80 m² y atteint 468 800 euros, soit 50 % de plus que la moyenne nationale, alors que les revenus des ménages y sont inférieurs de 12 % à la moyenne française. Résultat : seuls 10 % des ménages niçois disposent des ressources néces­saires pour devenir proprié­taires. Un ménage au revenu médian ne pourrait y financer qu’un appar­tement d’environ 42 m².

Perspectives 2026

Les perspectives d’accessibilité finan­cière au logement en propriété restent mitigées pour 2026. D’une part, les taux des crédits immobi­liers montrent à nouveau une légère tendance haussière fin 2025 : 3,2 % en octobre, contre 3,1 % en juin. Cette remontée inter­vient malgré la baisse des taux direc­teurs de la BCE en juin 2025. Elle s’explique surtout par la hausse des rende­ments obliga­taires à long terme sur les marchés européens, alimentée par des niveaux de dette publique élevés et par des primes de risque accrues (pour plus d’infor­ma­tions : Entre baisses des taux d’intérêt et primes de risque : tendances actuelles sur les marchés immobi­liers européens). Une nouvelle baisse des taux de la BCE apparaît peu probable à court terme, tandis que les rende­ments obliga­taires pourraient encore progresser légèrement. Dans ce contexte, une nouvelle baisse des taux immobi­liers est peu probable ; une légère hausse reste même possible.

Paral­lè­lement, les prix immobi­liers ne reculent plus : ils évoluent quasi latéra­lement depuis un an (+0,4 % sur un an pour les appar­te­ments au 2ᵉ trimestre 2025, +0,2 % pour les maisons). Les salaires devraient quant à eux augmenter d’environ 2,3 % en 2025 (source : Banque de France), mais les mesures d’économie budgé­taire pourraient peser sur les trans­ferts sociaux et donc sur le revenu dispo­nible des ménages.

Ainsi, si l’accessibilité au logement s’est nettement améliorée entre fin 2023 et fin 2025, les condi­tions actuelles laissent plutôt présager une stagnation en 2026, sans véritable amélio­ration supplé­men­taire du pouvoir d’achat immobilier.