Sondage auprès des investisseurs : l’immobilier durable a-t-il plus de valeur ?
11 mars 2024
Quelle est l’importance de la durabilité dans le secteur immobilier suisse ? Les investisseurs sont-ils prêts à payer des prix plus élevés pour de l’immobilier durable ? Nous avons posé ces questions et bien d’autres aux décideurs de plus de 300 entreprises qui investissent dans l’immobilier.
A l’automne 2022 Wüest Partner a mené un sondage sur mandat de Senn Resources AG. Plus de 300 entreprises suisses investissant dans l’immobilier ont été interrogées dans ce cadre. Cette enquête a été réalisée pour la deuxième fois. Comme à l’automne 2020, elle a été complétée par des entretiens qualitatifs avec une sélection d’experts.
En voici les cinq principaux enseignements :
- Les thèmes de la durabilité gagnent en importance dans le cadre des acquisitions – en particulier lorsque les investisseurs adoptent une perspective à moyen terme et tournent leur regard vers l’avenir.
- Lors du processus d’acquisition, 70% des investisseurs se concentrent sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique des bâtiments. Le thème de l’énergie grise ne joue un rôle que pour 11% des personnes interrogées.
- Un investisseur sur deux est prêt à payer d’avantage pour des bâtiments particulièrement flexibles dont l’utilisation peut être facilement changée.
- Pour les bâtiments particulièrement efficaces sur le plan énergétique (Minergie-P/-A), 42% des investisseurs sont prêts à payer davantage
- Pour les bâtiments construits de manière particulièrement écologique (matériaux biosourcés, prise en compte des principes circulaires, faibles émissions de gaz à effet de serre lors de la construction), seuls 25% des investisseurs se montrent prêts à payer davantage.
Nous vous présentons ci-après les résultats de l’enquête, classés selon la structure de l’enquête divisée en quatre chapitres :
- Etat des lieux
- Énergie
- Émissions de gaz à effet de serre
- Économie circulaire
En guise de conclusion, nous nous posons à la fin de cet article la question suivante : «Quelle est l’impact des thèmes de durabilité surl’évaluation des biens immobiliers ?» En particulier, le chapitre 1 ainsi que la conclusion, sont etoffés de nombreux résultats tirés des entretiens qualitatifs.
1. Etat des lieux
L’importance croissante de la durabilité
La crise climatique, l’incertitude croissante sur le marché immobilier et l’évolution constante du cadre politique et législatif incitent de plus en plus les investisseurs immobiliers à se pencher sur les questions de durabilité. Le nombre d’entreprises créant des services spécialisés dans la durabilité ou les questions ESG ne cesse d’augmenter. Dans les institutions financières, on constate que la formation interne et la formation continue des collaborateurs se développent à grande échelle.
Environ 45% des investisseurs immobiliers interrogés ont fixé des objectifs de durabilité au niveau de l’entreprise pour les objets d’acquisition. Environ 30% utilisent le rating ESG.
L’enquête examine entre autres la question de savoir dans quelle mesure les investisseurs estiment que les différents critères de décision sont plus ou moins importants lors d’une acquisition. Le graphique suivant représente les critères de décision possibles sous forme de bulles, la taille des bulles reflétant la part des personnes interrogées pour lesquelles le critère en question est décisif pour l’acquisition. Plus la bulle est grande, plus le critère est décisif.
L’enquête a révélé que les facteurs classiques de rendement, de localisation et de micro-situation restent déterminants dans les décisions d’acquisition. Mais lorsque les investisseurs considèrent l’importance à moyen terme des thématiques de durabilité, celles-ci gagnent nettement en importance. Il s’agit notamment de sujets tels que l’économie circulaire, l’empreinte écologique, les coûts du cycle de vie, la flexibilité d’utilisation et la résilience climatique. La croissance relative du groupe qui juge le critère déterminant à moyen terme est indiquée en pourcentage dans le graphique.
Les facteurs externes
Pour que l’objectif zéro émissions nette, dans lequel sont engagées de nombreuses institutions, puisse être atteint d’ici 2050, le parc immobilier doit faire l’objet d’une rénovation énergétique et repensé dans la durabilité afin de réduire de manière drastique les besoins en énergie, la consommation de ressources et les émissions.
Les personnes sondées ont indiqué que l’augmentation des prix de l’énergie et des taxes sur le CO2, les exigences réglementaires, la pression sociale et les progrès technologiques sont perçus comme les facteurs les plus efficaces pour atteindre les objectifs climatiques.
Les enjeux
Selon les sondés, le plus grand défi dans le domaine de la durabilité réside dans la rentabilité économique. Mais le grand nombre de produits, de classements et de certificats pose également des difficultés à certains d’entre eux, qui ont de plus en plus de mal à s’y retrouver dans cette «jungle».
Empreinte écologique : importance et compréhension
Pour environ 20% des personnes interrogées, l’empreinte environnementale d’un bâtiment est un critère décisif dans la prise de décision d’acquisition, 50% d’entres elles ont opté pour «également important» dans le sondage. Cependant, dans une perspective à moyen terme, ils sont deux fois plus nombreux, soit environ 40% des personnes interrogées, à définir l’empreinte environnementale comme critère décisif lors de l’achat d’un bien immobilier.
Sous le terme «empreinte environnementale», les thèmes des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique des bâtiments, des émissions de gaz à effet de serre dans l’exploitation ainsi que de potentiels polluants de bâtiments et des sites contaminés sont jugés particulièrement importants. Dans la même catégorie, les thèmes tels que monitoring énergétique, matériaux et construction, énergie grise, eau et recyclage des déchets sont jugés moins importants.
2. L’énergie
En matière d’énergie, l’accent est mis sur l’utilisation d’énergies renouvelables et l’efficacité énergétique des bâtiments. L’énergie grise joue un rôle secondaire. L’analyse de la disposition à payer des investisseurs montre que ce sont surtout les bâtiments à haute efficacité énergétique qui suscitent un grand intérêt. Pour les bâtiments compatibles avec les directives Minergie, Minergie-P et Minergie-A, 41 à 44% des investisseurs se montrent disposé à payer davantage, selon le certificat. Le pourcentage de ce groupe a augmenté de 15 points en moyenne par rapport à 2020. Pour les bâtiments Minergie-ECO, label Minergie complété par les thèmes de la santé et de l’écologie de la construction (notamment l’énergie grise), ce pourcentage est légèrement inférieur à 30%.
3. Les émissions de gaz à effet de serre
En matière d’émissions, l’accent est toujours mis sur les émissions générées lors de l’exploitation des bâtiments. Il en ressort que 35% des personnes sondées ont indiqué être prêtes à payer davantage si un bâtiment émettait peu de gaz à effet de serre lors de son exploitation. Les émissions générées lors de la construction sont jugées légèrement moins importantes : 27% des des sondés se déclarent prêts à payer plus pour un bâtiment économe à cet égard.
4. L’économie circulaire
La flexibilité d’utilisation arrive en tête
L’analyse montre que les bâtiments qui se distinguent par une très grande flexibilité d’utilisation ont obtenu le plus grand suffrage : près de la moitié des investisseurs voient dans la flexibilité d’utilisation une plus grande disposition à payer.
Construction circulaire
27% des investisseurs se disent prêts à payer plus pour un bâtiment construit selon les principes suivants de l’économie circulaire : facilité d’accès, technique du bâtiment efficace, démantèlement et déconstruction sélective. Ce pourcentage a augmenté de 10 points par rapport celui de l’enquête de l’enquête réalisée en 2020. Toutefois, près de 40% des personnes interrogées ne sont pas prêtes à payer davantage.
Matériaux et éléments de construction
Environ 20% des investisseurs sont disposés à payer davantage pour les matériaux biosourcés et les matériaux de construction minéraux recyclés. La disposition à payer pour les bâtiments construits avec des éléments de construction et des composants réutilisés est la plus faible.
Pour en savoir plus sur le thème de l’économie circulaire, consultez l’article de blog «Économie circulaire et immobilier : une opportunité pour les investisseurs innovants».
Comment la durabilité influe sur l’évalutation des biens immobiliers ?
Des données limitées
De plus en plus de propriétaires établissent des trajectoires de réduction des émissions de CO2 qui servent de ligne directrice à leur stratégie de rénovation. Cependant, les données relatives à la durabilité sont souvent insuffisantes ou du moins limitées. Cela concerne aussi bien les biens immobiliers détenus en propre que ceux dont l’achat est envisagé. Les investisseurs s’efforcent cependant de plus en plus de surveiller les indicateurs clés de performance (KPI) environnementaux afin de les publier, par exemple dans des rapports annuels ou des rapports de durabilité. Cette tendance est également liée aux obligations légales toujours plus strictes en matière de publication et divulgation d’information.
La durabilité dans l’évaluation immobilière
La tâche des évaluateurs immobiliers est de refléter l’estimation des acteurs du marché. Aujourd’hui, de nombreux aspects de la durabilité sont déjà clairement pertinents en termes de valeur et sont pris en compte dans l’évaluation des biens immobiliers. Par contre, on ne tient pas encore compte de la valeur d’autres facteurs tels que l’énergie grise ou certains effets externes comme la biodiversité ou la consommation d’eau. Wüest Partner part toutefois du principe que ces facteurs gagneront constamment en importance au cours des prochaines années.
Hausse de prix pour les bâtiments durables
Dans le contexte actuel du marché, les bâtiments particulièrement durables peuvent bénéficier d’un prix plus élevé en raison de la faiblesse de l’offre. Dès que le nombre d’immeubles durables sur le marché augmentera nettement, cette augmentation pourra se réduire et se traduire en une décote pour les immeubles non durables.
Résultats de l’enquête
L’enquête a été menée auprès de 307 représentants d’entreprises suisses qui investissent dans l’immobilier. La plupart d’entre eux sont actifs dans des banques, des sociétés immobilières, des caisses de pension, des fondations de placement, des assurances et des fonds immobiliers. La majorité des entreprises représentées disposent d’un portefeuille immobilier d’une valeur supérieure à 1 milliard de francs. Pour plus de la moitié des entreprises interrogées, le thème de la «durabilité» est traité au niveau du comité de direction. Près de 10% des personnes interrogées ont indiqué qu’un département dédié à la durabilité avait été récemment créé au sein de leur entreprise.