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ESG et immobilier : intégrer l’environnement, repenser l’économie

15.02.2024

ESG

En raison du réchauffement climatique et de la législation pour y faire face, le secteur immobilier est à la croisée des chemins : ses acteurs doivent embrasser le changement, ou courent le risque d’être dépassés. Marc Yehya, Manager ESG chez Wüest Partner France, explique les nouvelles règles du jeu et comment en tirer parti malgré leur apparente complexité.

Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’industrie immobilière est en tête des secteurs émetteurs de gaz à effet de serre (GES), contribuant à hauteur de 38 % aux émissions mondiales. En parallèle, ce secteur se caractérise par sa consommation énergétique significative, représentant 35 % de la consommation globale en 2019 selon la Global Alliance for Buildings and Construction, une initiative associée aux Nations Unies.

Consommation d’énergie et émissions de CO2 du secteur immobilier, 2019

Source : Global Alliance for Buildings and Construction, 2020

Début 2023, le GIEC identifiait le rôle crucial du secteur immobilier dans la lutte contre le changement climatique, avec une capacité de réduction des émissions de GES estimée à 66 % d’ici 2050, se plaçant ainsi juste après le transport terrestre et la production d’électricité. Ce constat met en évidence l’urgence d’actions concrètes dans le secteur pour atteindre les objectifs climatiques. Cette nécessité explique la multiplication des mesures législatives, témoins de la volonté des autorités de s’attaquer vigoureusement aux défis environnementaux.

Potentiel de décarbonation des secteurs économiques jusqu’en 2050 

ESG

Source : GIEC / Observatoire de l’immobilier durable, 2023

Les mesures affectant l’immobilier en France

Conformément aux objectifs de l’Accord de Paris, visant à maintenir le réchauffement climatique en dessous de deux degrés Celsius et à progresser vers une économie décarbonée d’ici la seconde moitié du XXIe siècle, la France cible particulièrement le secteur immobilier. La réglementation RE2020 se distingue par son approche ciblant les nouvelles constructions pour diminuer considérablement les émissions de carbone, aussi bien incorporées qu’opérationnelles. La réglementation définit des normes élevées en matière d’efficacité énergétique et d’impact carbone, alignées avec les nécessités écologiques actuelles.

En parallèle, le décret tertiaire s’attaque à l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments existants du secteur des services, une démarche essentielle pour les rendre plus durables et écologiques. Pour compléter ce dispositif, le décret sur les systèmes d’automatisation et de contrôle des bâtiments non résidentiels (BACS) encourage l’intégration de solutions technologiques avancées pour optimiser la gestion énergétique des bâtiments.

Enfin, la loi sur la Zéro Artificialisation Nette (ZAN) renforce ces efforts en favorisant la préservation de la biodiversité et la séquestration du carbone, rendant l’approche environnementale plus holistique. Ces initiatives, qui couvrent les nouvelles constructions et les bâtiments existants, illustrent la détermination de la France à réduire l’impact environnemental de l’immobilier, un secteur clé pour atteindre ses ambitions climatiques.

Quant à l’Union européenne, elle a introduit le Pacte vert pour l’Europe en 2019, concrétisé par l’introduction des critères ESG. Ils permettent de mesurer les performances extra-financières des entreprises et se basent sur la taxinomie européenne. Aux côtés de mesures favorisant la finance durable, cet ensemble vise à encourager le financement privé de technologies de transition. Le paquet de mesures le plus récent a été présenté en juin 2023 et devrait entrer en vigueur en janvier 2024.

Les critères ESG sont avant tout un système de notation pour orienter les flux de capitaux du secteur financier vers des investissements durables. Si l’idée initiale est bonne, son  application, notamment en termes de collecte de données et d’évaluation, souffre actuellement d’un manque de transparence et donc de fiabilité. La Commission européenne constate cette nécessité, d’où les mesures d’ajustement précitées. L’évaluation ESG est applicable à tout type d’entreprise, y compris celles du secteur immobilier.

Le présent article tente d’expliquer ce que signifie l’ESG pour les acteurs de l’immobilier, en particulier la dimension environnementale (représentée par la lettre E), et comment y voir une opportunité plutôt qu’une contrainte législative. Cela nécessite un changement du mode de penser : pour survivre, l’immobilier devra changer de modèle économique.

Pour l’immobilier, le grand focus est sur le E

L’acronyme ESG, qui signifie Environnemental, Social et Gouvernance, englobe une série d’indicateurs adaptés à divers secteurs, y compris l’immobilier. Pour le volet Environnemental, les indicateurs peuvent inclure l’efficacité énergétique des bâtiments, la gestion des déchets et l’impact sur la biodiversité. Ceux du volet Social mettent l’accent sur des éléments tels que la sécurité et les conditions de travail, l’accessibilité et l’abordabilité du logement, ainsi que l’engagement communautaire. Les critères relatifs à la Gouvernance se concentrent sur la conformité réglementaire dans le secteur de la construction, la gestion de la chaîne d’approvisionnement et l’impact territorial.

Pour l’immobilier, l’aspect « Environnemental » des critères ESG est considéré comme le plus important, car il répond à l’urgence climatique avec des indicateurs comme les émissions de GES ou la consommation énergétique, qui sont techniquement plus simples à mesurer que les indicateurs sociaux et de gouvernance. Cette priorité reflète à la fois l’impératif écologique et la facilité de quantification des impacts environnementaux des bâtiments.

Face à un climat en constante évolution, la résilience climatique devient un enjeu crucial pour le secteur immobilier. Cette approche dépasse la simple considération écologique et s’avère être une stratégie économique déterminante. Avec la construction de bâtiments conçus pour résister aux changements climatiques, le secteur peut non seulement limiter les coûts futurs liés aux catastrophes naturelles, mais aussi garantir une activité économique ininterrompue. La résilience aux conditions météorologiques extrêmes devient ainsi un pilier fondamental dans la stratégie globale du secteur, soulignant la nécessité d’adapter les pratiques de construction aux réalités d’un climat changeant.

Le modèle économique actuel du bâtiment n’est plus viable

Sans détailler davantage les diverses réglementations, leur influence majeure sur le secteur immobilier mérite d’être soulignée : elles incitent à repenser un modèle économique traditionnellement linéaire. Alors que certains acteurs ont pu favoriser les gains à court terme, cette approche devient obsolète avec l’émergence d’un nouveau paradigme, introduit par la fin de l’ère de l »abondance ». Si l’ancien modèle envisageait l’immobilier comme une simple source de profit, le nouveau cède la place à une vision plus durable et circulaire, où l’investissement immobilier est envisagé non plus comme une fin en soi, mais comme une pièce centrale d’un système économique plus responsable et renouvelable.

Ce changement de paradigme se constate lors des réunions de cadrage ou des négociations entre promoteurs et investisseurs. Les premiers, confrontés à des coûts plus élevés dus à des pratiques plus durables, redoublent d’ingéniosité, tandis que les investisseurs restent préoccupés par la rentabilité. Cela met en évidence un défi majeur : trouver un équilibre entre l’augmentation des dépenses liées à la construction durable et le maintien de la viabilité économique des projets, particulièrement en période d’inflation élevée.

La frilosité des investisseurs est compréhensible, car c’est à eux de porter les efforts financiers. Pour se conformer à la réglementation RE2020 par exemple, les coûts de construction sont plus élevés de 10 % en moyenne. Les réticences s’expliquent très simplement : les investisseurs s’aventurent en terrain inconnu. Il n’existe pas encore suffisamment de données concernant le retour sur investissement dans le nouvel environnement, autant pour la construction de bâtiments neufs que pour la rénovation de l’existant.

Le conseil immobilier permet de dissiper les doutes

Le risque autour de cette incertitude, c’est l’inaction. À première vue, il peut sembler plus sage de ne pas s’engager dans une nouvelle voie. Rares sont les investisseurs voulant endosser le rôle du défricheur, permettant potentiellement aux autres acteurs de tirer profit de leurs tâtonnements qu’ils craignent de payer cher.

C’est précisément dans ce type de situation qu’un conseil immobilier révèle son utilité. Wüest Partner adopte une approche rationnelle permettant de diminuer l’incertitude de plusieurs manières :

  • En utilisant des données recueillies à grande échelle par des outils spécialisés, Wüest Partner accompagne les projets du neuf dès leur phase de conception et tout au long de leur cycle de vie, afin de prendre les bonnes orientations et de corriger le tir si nécessaire.
  • Wüest Partner est en mesure de familiariser les acteurs avec la taxonomie ou la logique de l’ESG pour s’y conformer avec précision, tout en veillant à l’aspect financier.
  • De nouveaux concepts peuvent être présentés, tels que la réversibilité, permettant la conception de bâtiments multi-fonctions qui peuvent être aisément adaptés à de nouvelles utilisations, si nécessaire. Les bâtiments sont en quelque sorte dotés de plusieurs vies dès leur création.
  • Par une observation constante du secteur et des recherches sur les effets du climat, des conseils peuvent être prodigués concernant l’implantation des projets. Le réchauffement climatique augmente le nombre et l’intensité de phénomènes météorologiques plus extrêmes, comme les tempêtes, les canicules, les inondations et bien d’autres encore.
  • En matière de rénovation, des recommandations peuvent être proposées pour améliorer la résilience des bâtiments, optimiser leur performance énergétique et élaborer des itinéraires de réduction de GES.

Pour éviter le piège de l’inaction, qui peut devenir coûteux à moyen terme, notamment avec un durcissement constant des réglementations, l’accompagnement par des experts permet de se positionner en pionnier de l’immobilier durable, tout en calculant les risques.

Les perdants d’aujourd’hui seront les gagnants de demain

La mauvaise nouvelle pour le secteur immobilier : pour se conformer aux nouvelles règles du jeu, une augmentation des coûts est inévitable. Donc à court terme et si l’on continue de juger son activité avec les critères traditionnels, les acteurs seront perdants. C’est toute la difficulté de la transition que nous vivons actuellement, elle nécessite un changement radical du mode de penser ces activités.

Tout changement est difficile et conduit inévitablement à l’incertitude. Ce qu’il faut comprendre, c’est que cette évolution est nécessaire. Pour rappeler ce qui est en jeu : à très long terme, c’est notre survie. À plus court terme, nous façonnons aujourd’hui le type de société dans laquelle nous vivrons.

L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) a établi quatre scénarios pour une  neutralité carbone à l’horizon 2050, allant d’une société frugale, dans laquelle notre mode de consommation est radicalement réduit, au pari risqué de ne rien changer en espérant que des technologies, hypothétiques pour l’heure, absorberont les travers de notre économie exploitant plus de ressources qu’il n’en existe.

ESG

Source : ADEME, les futurs en transition

L´immobilier durable peut être aussi profitable que le modèle traditionnel

Pour redevenir plus pragmatique, cette évolution ne doit pas nécessairement se faire à fonds perdus. En faisant l’effort d’accepter ce changement et ses conséquences, en acquérant les connaissances requises et en osant prendre des risques aussi calculés que possible, il est tout à fait possible que le nouvel immobilier durable soit en fin de compte tout aussi viable que l’ancien. Mais cela veut dire suivre une autre logique, celle de la durabilité.

Les bâtiments frugaux, vertueux et durables sont un bon exemple : ils sont conçus pour minimiser leur impact environnemental tout en maximisant l’efficacité énergétique, notamment grâce à l’usage de matériaux écologiques. Ces bâtiments génèrent de la valeur verte de plusieurs manières : ils réduisent les coûts opérationnels grâce à une consommation énergétique moindre, utilisent des énergies renouvelables et permettent une meilleure gestion des ressources. Ensuite, ils offrent un cadre de vie ou de travail plus sain et plus confortable, pouvant améliorer la productivité et le bien-être des occupants. Leur faible impact environnemental et leur durabilité les rendent attractifs aux investisseurs et locataires soucieux de l’environnement. Ces caractéristiques peuvent de plus augmenter leur valeur immobilière. Enfin, en répondant aux normes environnementales élevées, ces bâtiments peuvent bénéficier d’avantages fiscaux ou de subventions, renforçant encore leur attrait économique.

En dernier lieu, l’adaptation aux nouvelles règles permettra de maintenir ou même d’augmenter la valorisation des bâtiments pour éviter qu’ils deviennent ce qu’on appelle des stranded assets en anglais, ou des actifs obsolescents, épaves de la transition énergétique. Nous sommes à l’orée d’un nouveau monde économique et d’un nouvel immobilier – et il y a sans aucun doute plus de raisons de le découvrir que de le redouter.

Si vous souhaitez obtenir plus d’informations sur les opportunités de l’immobilier durable, n’hésitez pas à nous contacter.

Marc Yehya occupe le poste de Manager ESG chez Wüest Partner France. Titulaire d’un diplôme d’ingénieur civil et d’un doctorat en sciences des matériaux, il possède une expertise approfondie en matière de durabilité et de l’impact des critères ESG dans le secteur immobilier.