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Les défis du rating ESG dans l’immobilier

Dernière mise à jour: 13 September 2024

Taxonomie et nouvelles régle­men­ta­tions 

Second plus important émetteur de CO2 en Suisse, le secteur immobilier accélère sa mue pour prendre en compte les critères de durabilité et de respon­sa­bilité.  

S’inscrivant dans le sillage de la dynamique européenne en faveur de la finance durable, Berne vise en effet la neutralité clima­tique d’ici à 2050. L’Union européenne a adopté en 2020 sa taxonomie sur les activités vertes. Et aujourd’hui, le secteur immobilier suisse est sous pression, sommé par les autorités helvètes, les banques et les fonds d’investissement de se mettre au diapason pour intégrer au mieux les critères environ­ne­mentaux, sociaux et de gouver­nance (ESG).  

La première partie du règlement européen sur la taxonomie vise à doper les inves­tis­se­ments verts et à limiter les risques de « green­wa­shing ». Ce référentiel donne les critères qui label­lisent les activités écono­miques et écolo­giques permettant l’atténuation et l’adaptation au changement clima­tique. Il permet aussi de répondre aux nouvelles obliga­tions européennes de reporting ESG (règlement « disclosure » appli­cable en mars 2021). Celles-ci concernent pour l’instant les entre­prises européennes de plus de 500 salariés avec un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros. Cette taxonomie doit être complétée d’ici la fin de l’année pour les critères de pollution, d’économie circu­laire, de biodi­versité et de protection des ressources en eau. 

Si les obliga­tions régle­men­taires en matière de reporting sont moindres en Suisse que dans l’Union européenne, pour les inves­tis­seurs locaux, étrangers et pour les entre­prises de gestion immobi­lière, la prise en compte des critères ESG devient néanmoins incon­tour­nable pour rester compé­titifs. Sans compter l’impact de la fiscalité carbone sur les combus­tibles fossiles qui s’applique sur le parc immobilier suisse.  

Après le transport, l’immobilier est en effet le plus gros émetteur de gaz à effet de serre en Suisse, figurant à lui seul près de 30% des émissions totales de CO2. Le secteur immobilier est ainsi l’un des piliers de la stratégie clima­tique de la Confé­dé­ration helvé­tique, dans le respect des objectifs de l’Accord de Paris. Le parc immobilier suisse repré­sente notamment 45% de la consom­mation d’énergie finale du pays, dont 75% est imputable au chauffage (mazout et gaz naturel princi­pa­lement), selon l’Office fédéral de l’énergie. Ce secteur est également redevable de bonnes pratiques en matière de gestion des déchets, de recyclage des matériaux, d’isolation, de pollution, de consom­mation d’eau, de biodi­versité. De plus en plus, il doit prendre en compte l’énergie grise des bâtiments.  

Outre le climat et l’environnement, les exigences portent aussi sur la perfor­mance sociétale et la gouver­nance qui ont trait à la mixité sociale dans l’habitat, à l’accessibilité pour les personnes handi­capées, à la lutte contre la corruption, à la trans­pa­rence ou encore à la commu­ni­cation. 

Collecte de données 

Comment prendre en compte ces critères ESG ? Quels sont les défis ? « La problé­ma­tique majeure du rating      ESG repose sur la collecte de données. Il y a de nombreux critères, dans de nombreux domaines diffé­rents et c’est souvent fasti­dieux, chrono­phage et coûteux pour un fonds d’investissement ou un proprié­taire de parc immobilier de faire ce travail et de mettre ensuite en place un rating », relève François-Xavier Favre, manager spécia­liste de l’évaluation de porte­feuilles et des questions de durabilité au bureau de Wüest Partner à Genève.  

Le cabinet conseil Wüest Partner s’appuie justement sur une large base de données écono­miques et géospa­tiales couvrant le terri­toire suisse et les autres pays de l’Union européenne pour collecter quasi automa­ti­quement une très grande quantité d’informations, s’appuyant sur des appli­ca­tions et sur des équipes de développeurs/experts immobi­liers.

Ces infor­ma­tions renseignent sur les carac­té­ris­tiques d’emplacement de l’immeuble, la luminosité d’un site, la proximité des commerces, des écoles, des services marchands et publics, etc. Les émissions de CO2 sont par exemple calculées en utilisant Wüest Climate, appli­cation développée par Wüest Partner dans le cadre des tests de compa­ti­bi­lités des porte­feuilles immobi­liers suisse (test PACTA) pour le compte de l’OFEV. Des experts complètent ensuite ce travail par des visites techniques sur le terrain et des entretiens/questionnaires réalisés avec les proprié­taires. En matière de gouver­nance par exemple, il s’agit de déter­miner si une compagnie d’assurance possédant un fonds immobilier pourrait avoir des locataires actifs dans des domaines pour lesquels existent des critères d’exclusion, comme le tabac, l’alcool ou le charbon.  

« Un autre enjeu important porte sur la standar­di­sation des critères, de nombreux rating ont été développés, mais ne sont pas forcément ESG dans le sens où ils se concentrent uniquement sur la partie environ­ne­mentale de l’immeuble, indique François-Xavier Favre. D’où la démarche de Wüest Partner pour mettre au point, à desti­nation du secteur immobilier, un rating équilibré, qui prenne en compte équita­blement les trois lettres de l’ESG, à savoir l’environnement, le social et la gouver­nance ».

Un rating qui se veut également compa­tible, dans une certaine mesure, avec certains standards inter­na­tionaux, comme avec le GRESB (Global Real Estate Sustai­na­bility Benchmark), « à hauteur de 60–70% » précise Wüest Partner. Présent à l’international, Wüest Partner vient ainsi de lancer un modèle de calcul des émissions de CO2 des bâtiments pour l’Allemagne, suivant les normes européennes (inter­na­tio­na­li­sation du modèle) pour tenir compte de l’origine de la production d’électricité encore impor­tante à partir du charbon. En Suisse, où une grande partie de l’électricité est produite par les barrages (2/3 hydrau­lique, 1/3 nucléaire), le coeffi­cient associé d’émissions de CO2 est quasi neutre. En Italie et en France où il se développe, Wüest Partner est désormais en mesure de répliquer et d’ajuster un tel modèle. 

Concilier durabilité et renta­bilité 

Le secteur immobilier en Suisse peut-il être durable et respon­sable ? Oui, à condition d’inscrire sa stratégie et l’efficacité ESG de ses actifs dans le long terme, c’est-à-dire évaluer ses perfor­mances environ­ne­men­tales, socié­tales et de gouver­nance, commu­niquer et bâtir un reporting trans­parent, cohérent et annualisé, et au final de s’améliorer. Wüest Partner ne réalise pas simplement un rating ESG, mais accom­pagne également les gestion­naires de fonds immobi­liers, les inves­tis­seurs, les proprié­taires dans leur reporting et stratégie ESG à horizon de cinq à dix ans. 

« On voit aujourd’hui des immeubles qui sont très mauvais sur le plan énergé­tique et au niveau des critères ESG plus largement. Ce n’est pas pour autant qu’il faut les vendre ! On peut tout à fait améliorer les perfor­mances environ­ne­men­tales et socié­tales, la durabilité de ces immeubles, et in fine leur rating. Outre le rating      ESG, nous faisons donc aux inves­tis­seurs des recom­man­da­tions d’amélioration, de travaux notamment, tout en gardant à l’esprit l’évo­lution écono­mique de l’immeuble. Bien souvent, par le passé, les proprié­taires de biens immobi­liers ont eu du mal à entre­prendre des rénova­tions énergé­tiques parce qu’ils pensaient que c’était trop coûteux, et que ce surcoût ne se répercute pas sur la valeur foncière ou sur la valeur de marché de l’immeuble. Mais ce que nous démon­trons, au travers de nos analyses de porte­feuilles et de projets, c’est qu’une rénovation énergé­tique implique bien souvent une plus-value finan­cière de l’immeuble ceci en raison de diffé­rents paramètres tels que le niveau de loyer actuel versus marché, les charges associés, les subven­tions canto­nales, les taxes CO2, etc… », pointe François-Xavier Favre.

Assai­nis­se­ments avec trois gagnants

Dans le cadre de notre projet pilote, nous avons analysé l’impact sur l’environnement, sur les proprié­taires et sur les locataires de l’assainissement énergé­tique de douze immeubles multi­fa­mi­liaux du Mitteland aléma­nique, totali-sant une valeur de marché de 230 millions de francs. Vous trouverez ici les résultats de l’étude.