La directive crédit immobilier (DCI) et ses impacts sur les emprunts bancaires
04 mai 2019
Au lendemain de la crise financière de 2008, les États de l’Union européenne ont pris la décision de rationaliser le marché du crédit immobilier en fixant de nouvelles règles applicables aux prêteurs et intermédiaires sur les contrats de crédit relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation. Ces nouvelles obligations ont fait l’objet d’une directive européenne appelée Mortgage Credit Directive (MCD) ou encore Directive 2014/17/EU. Transposée dans le droit national français en 2016, cette directive du crédit immobilier (DCI) a eu et continue d’avoir des impacts sur les emprunts bancaires des clients ainsi que sur l’activité des professionnels qui peuvent désormais compter sur des solutions d’estimation immobilière expertes pour faciliter leur quotidien.
Mise en place de la Mort Gage Directive (MCD) au niveau européen
Adoptée le 4 février 2014, la directive MCD encadre désormais les différents acteurs participant au crédit immobilier, à savoir les emprunteurs, les prêteurs et aussi les intermédiaires. L’objectif principal de cette directive est d’apporter une réglementation commune européenne dans le secteur du crédit immobilier. Cette nouvelle uniformisation des règles permettra de créer un marché du crédit hypothécaire plus performant, plus efficace et mieux protégé en mettant l’accent sur la solvabilité renforcée des candidats à l’emprunt immobilier. Comment ? En jouant la carte de la transparence avec les consommateurs, en les informant régulièrement.
Entrée en vigueur de la directive MCD en France
Au mois de mars 2016, la directive européenne pour le crédit immobilier a été transposée dans le droit français sous la forme d’une ordonnance (n°2016-351) qui circonscrit les conditions de protection du consommateur/emprunteur. Le but général est double : assurer un niveau de sécurité suffisamment élevé aux consommateurs et responsabiliser les organismes prêteurs et les intermédiaires dans leur façon de distribuer les produits bancaires, d’assurance ou financiers. C’est bel et bien un vœu d’harmoniser in fine au niveau européen les différentes réglementations en termes d’octroi des crédits immobiliers. Cette directive cherche à limiter un nouveau risque d’explosion de bulles immobilières comme celle qui est arrivée aux États-Unis, mais aussi en Irlande et en Espagne. Comment ? En renforçant ou en créant des obligations que les organismes de crédit comme les banques devront appliquer.
Une analyse rigoureuse de la solvabilité de l’emprunteur
Avec l’entrée en vigueur de la directive MCD, les banques vont devoir renforcer leur procédé d’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur pour assurer la bonne adéquation entre le crédit et le client. En effet, au-delà des modalités de décision d’octroi des crédits immobiliers, les établissements bancaires doivent aussi intégrer des hypothèses de prudence dans leurs modèles de risque leur permettant de simuler la capacité de remboursement des emprunteurs selon leur revenu. Les banques doivent également tenir compte d’éventuels scénarios négatifs dans le processus d’allocation des provisions :
- ● Baisse de revenu soudaine ;
- ● Diminution des revenus à la retraite ;
- ● Accroissement du taux d’intérêt de référence (pour les prêts hypothécaires) ;
- ● Paiements différés ;
- ● Etc.
La DCI impose une mise à niveau des procédés d’octroi
L’arrivée de la directive DCI modifie aussi l’approche des banques en terme d’octroi des crédits immobiliers. En effet, les nouvelles exigences de la MCD entraînent inévitablement une uniformisation des processus d’octroi des crédits immobiliers au sein même des banques en Europe. Selon la maturité de chaque établissement bancaire, l’accent sera mis sur les coûts liés à :
- ● La collecte des données ;
- ● L’exploitation et à l’archivage de ces mêmes données.
Tout ce travail doit s’effectuer en totale conformité avec la loi visant la protection des données personnelles de l’emprunteur. La directive MCD met aussi l’accent sur l’urgence à intervenir en cas d’arriéré ou de défaut de paiement. Elle prévoit d’instaurer des outils et de mettre en place des mesures pour détecter de manière précoce les difficultés de paiement. Les conseillers clientèle devront disposer d’une formation adéquate qui leur permettra d’assurer plus aisément ces obligations d’informations et d’analyse de la solvabilité desemprunteurs. Grâce à ces nouveaux procédés d’accompagnement de l’emprunteur, leur niveau de protection en termes de risque sera renforcé et une relation de confiance entre le conseiller clientèle et l’emprunteur pourra ainsi être établie.
Changements chez les organismes de crédit immobilier
Les organismes de crédit devront désormais refuser d’accorder un prêt immobilier à tout emprunteur qui ne serait pas solvable. Sinon, leur responsabilité sera engagée. Ils devront également assurer l’ensemble de leurs devoirs d’accompagnement personnalisé envers leur clientèle sous la forme suivante :
Obligation d’explication et d’analyse claire et transparente de leur solvabilité (relative au contrat de crédit, mais également aux multiples services auxiliaires comme les assurances) Obligation de mise en garde pour attirer l’attention du client sur les aspects éventuels du contrat. Proposition d’un service de conseils personnalisés (optionnel). Proposition d’un service d’expertise du bien immobilier à financer (optionnel).
Premiers impacts de l’évaluation immobilière pour les banques
Même si le service d’expertise immobilière n’est pas une obligation pour les banques et les organismes de prêt, il fait désormais partie intégrante du processus de financement. En proposant ce service à leur client, les instituts de financement souhaitent clairement améliorer leur protection et la qualité de la distribution des crédits immobiliers. La DCI recommande vivement que l’évaluation du bien à financer devienne systématique, surtout si on recourt à l’hypothèque qui est la pratique la plus utilisée dans le modèle anglo-saxon. En France, 40% des propositions de financement concernent des crédits hypothécaires. Les recommandations de la DCI sont conformes avec les accords du Comité de Bâle chargé de concevoir les règles bancaires internationales dont l’objectif est d’assurer la stabilité du système bancaire mondial, de garantir un contrôle efficace des banques et de promouvoir une coopération entre les superviseurs bancaires.
Avec les accords de Bâle III, de nouvelles règles plus contraignantes ont été finalisées le 7 décembre 2017. Ces dernières renforcent d’une part les exigences en termes de fonds propres pour les banques. Elles ont également pour objectif d’harmoniser les méthodes de calcul du risque au niveau mondial. Cela concerne les modèles internes du risque de crédit, du risque de marché et du risque opérationnel. Pour le risque de crédit, il s’agit de pondérer l’exposition des banques en prenant en compte le ratio «loan-to-value» dans leur portefeuille (c’est-à-dire le montant de la dette sur la valeur du bien financé parc et emprunt). Cette révision aura une conséquence majeure sur le modèle de crédit à la française qui est adossé à l’étude de la solvabilité de l’emprunteur (loan-to-income) uniquement et non à la valeur de marché du bien financé (loan-to-value) comme dans le modèle anglo-saxon.
Finalement, quel que soit le modèle de crédit utilisé, les évolutions réglementaires au niveau de la DCI et des accords de Bâle III et IV mettent en lumière la clarté des enjeux : la détermination de la valeur vénale du bien doit être réalisée de manière indépendante, objective et certifiée pour garantir sa fiabilité afin d’améliorer l’exposition des banques face au risque. Pour être fiable, cette estimation du bien doit prendre en compte les facteurs économiques, juridiques, fiscaux et techniques. Il s’agit donc d’effectuer une analyse rigoureuse du bien à évaluer de façon analogue au travail d’un expert externe réalisé en s’appuyant sur la méthodologie prescrite par la Charte de l’expertise Immobilière. Cette dernière précise les différentes méthodes d’évaluation qui sont conformes aux normes d’évaluation existantes reconnues au niveau international, notamment celles définies par le Comité international des normes d’évaluation (IVSC), l’Association européenne d’expertise immobilière (TEGoVA) ou l’Institution royale des experts agréés (RICS). La méthode par comparaison directe (i.e. hédoniste) fait partie des standards pour déterminer la valeur vénale (valeur de marché) du logement en propriété. En “obligeant” les banques et les établissements de prêt à évaluer le bien avant d’octroyer un crédit immobilier, l’intérêt de la DCI est double :
● Diminuer au maximum le degré d’exposition au risque (surtout quand les taux d’emprunt sont très bas comme actuellement)
● Permettre aux consommateurs/emprunteurs d’obtenir des informations précises et plus limpides sur le prix de leur bien et sur la valeur de leur prêt.
En résumé, malgré les nouvelles exigences en matière d’identification des nouveaux éléments, de la qualité de ces données et de la nécessité de les intégrer dans leurs outils de calcul des risques et toutes les conséquences financières en termes de formations obligatoires des collaborateurs que la DCI implique, la DCI pourrait être porteuse d’un bienfait à plus long terme en permettant aux banques de maîtriser le risque grâce à une politique plus performante d’octroi des credits.
Bien souvent, d’une contrainte peut émerger une forme d’opportunité. En faisant appel à un expert de l’évaluation immobilière comme Homadata et sa solution professionnelle « Voisines » qui permet de réaliser des estimations individuelles et de masse de manière automatisée avec une grande précision, les organismes et les établissements de crédit ainsi que les emprunteurs seront gagnants en termes d’économie dans les processus d’octroi des crédits.
Finalement, comme la crise sanitaire actuelle l’a montré, la question de l’évaluation immobilière revêt aujourd’hui toute son importance. Suite au confinement, l’acquisition d’un logement en propriété confortable et de qualité aura certainement séduit plus d’un ménage. Cependant, ce rêve ne pourra pas se concrétiser pour beaucoup d’entre eux, si des incertitudes sur la pérennité de la relance économique demeurent face au risque de recrudescence de l’épidémie. Dans ce cas, les ménages qui perdraient une partie de leur revenu en cas de chômage présenteraient des risques de défaut de paiement. Il serait dans ce cas pertinent pour le conseiller d’intégrer la valeur du bien à financer en plus de la situation personnelle de l’emprunteur dans la politique d’octroi de crédit. Quand on sait que l’achat d’une maison ou d’un appartement représente un moment-clé qui lie le client à sa banque, autant l’accompagner au mieux dans son projet de vie et apporter aucrédit immobilier toute sa dimension de conseil, non ?