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La finance durable : un nouveau standard pour l’immo­bilier en Union Européenne

Dernière mise à jour: 22 avril 2025

L’urgence clima­tique provoquée par le réchauf­fement plané­taire exige une mobili­sation immédiate. Les actions écolo­giques envisagées seront-elles suffi­santes pour provoquer le changement profond attendu ? Rien n’est certain, car cela nécessite une révolution des menta­lités et des compor­te­ments au sein de toutes les pratiques humaines, y compris dans les secteurs de la finance et de l’immo­bilier.

Finance durable : concilier perfor­mance et impact social et environ­ne­mental 

La finance durable recouvre plusieurs concepts qui méritent d’être clarifiés.  

  • La finance verte vise à financer des projets ayant un impact direct sur l’envi­ron­nement, tels que les énergies renou­ve­lables, l’effi­cacité énergé­tique et la mobilité électrique. Il s’agit également d’un marché mondial consi­dé­rable, avec plus de 500 milliards de dollars d’obli­ga­tions vertes émises en 2021 et 600 milliards prévus en 2023.
  • La finance respon­sable cherche à concilier efficacité écono­mique, protection des clients et intérêt général en intégrant des critères environ­ne­mentaux, sociaux et de gouver­nance (ESG) dans ses décisions. C’est ce qu’on désigne comme l’inves­tis­sement socia­lement respon­sable (ISR).

Le secteur immobilier, en parti­culier, est un domaine où ce type de finan­cement peut contribuer à réduire les impacts et les risques associés au changement clima­tique.

Selon le Programme des Nations Unies pour l’Envi­ron­nement, les émissions du secteur du bâtiment atteignent un niveau record, repré­sentant près de 40% des émissions totales de CO2 liées à l’énergie dans le monde. L’Agence inter­na­tionale de l’énergie estime pour sa part que pour parvenir à un parc immobilier neutre en carbone d’ici 2050, les émissions directes de CO2 des bâtiments doivent diminuer de 50% d’ici 2030.

La finance durable est un véritable levier de la transition écolo­gique et sociale. Elle inclut des principes et fait référence à l’ensemble des pratiques et régle­men­ta­tions finan­cières qui favorisent l’intérêt collectif à moyen et long terme, dans le but de préserver les ressources pour les généra­tions futures.

Trans­pa­rence finan­cière au service de la durabilité : les obliga­tions de la finance durable

La Commission européenne a présenté le 13 juin dernier une propo­sition visant à renforcer la fiabilité et la compa­ra­bilité des ratings ESG, qui donnent une opinion sur le profil, les charac­té­ris­tiques et les risques en matière de dévelop­pement durable, d’une société ou d’un instrument financier.

Ceci pourrait marquer une avancée majeure dans le domaine de la finance durable, en offrant aux inves­tis­seurs un cadre pour évaluer les perfor­mances environ­ne­men­tales, sociales et de gouver­nance des entre­prises, et faciliter la prise de décisions en matière d’inves­tis­sement durable.

Le finan­cement des objectifs de durabilité de l’UE, en parti­culier ceux du Pacte vert européen, exige des inves­tis­se­ments annuels d’environ 700 milliards d’euros, princi­pa­lement provenant du secteur privé. Dans cette optique, la propo­sition de la Commission européenne pourrait jouer un rôle essentiel en facilitant la mise en œuvre du règlement SFDR (Disclosure Regulation on Sustainability-Related Disclo­sures) et la taxonomie de l’UE. En harmo­nisant les pratiques et en fournissant des critères clairs, ces mesures contri­bueront à promouvoir la trans­pa­rence et l’inté­gration des critères ESG dans les décisions d’inves­tis­sement, stimulant ainsi le dévelop­pement d’une finance durable.

Quelles sont les régle­men­ta­tions essen­tielles de la finance durable ?

  1. Le règlement SFDR, ou Règlement sur la divul­gation en matière de finance durable (Sustai­nable Finance Disclosure Regulation en anglais) [UE 2019/2088], vise à orienter les flux d’inves­tis­sement vers des place­ments durables. Depuis mars 2021, la régle­men­tation SFDR impose des obliga­tions de trans­pa­rence aux banques, aux assureurs, aux sociétés de gestion et aux conseillers finan­ciers. Ces obliga­tions portent sur l’inté­gration des risques environ­ne­mentaux, sociaux et de gouver­nance (ESG) dans le processus d’inves­tis­sement et dans les produits finan­ciers proposés.

Les produits finan­ciers sont classés en trois catégories en fonction de leurs carac­té­ris­tiques de durabilité, selon la logique suivante :

Les produits financiers sont classés en trois catégories en fonction de leurs caractéristiques de durabilité

Source : Décryptage du règlement SFDR. OID Mars 2023

Les acteurs concernés, qui ont une certaine envergure, doivent maintenant rendre compte de leur politique de gestion des risques, de leur prise en compte des critères ESG et de leurs inves­tis­se­ments. À partir du 1er janvier 2023, les règles détaillées dans les Regulatory Technical Standards (RTS) prévoient des modèles à remplir. D’ici le 30 juin 2023, un premier rapport sur les impacts négatifs liés aux facteurs de durabilité (au niveau de l’entité pour l’exercice 2022) devra être soumis à l’AMF dans le cadre des rapports annuels. 

  1. La taxonomie verte européenne, finalisée en 2022, est la nouvelle classi­fi­cation des activités écono­miques ayant un impact positif sur l’envi­ron­nement. Elle constitue le socle fonda­mental de toutes les régle­men­ta­tions de la finance durable, établissant un langage et un référentiel communs pour assurer une plus grande trans­pa­rence et fiabilité. 

Une actualité impor­tante concerne la position de l’État français sur l’inter­pré­tation des critères de la taxonomie dans le secteur du bâtiment : 

  • Pour les bâtiments neufs, le respect de la régle­men­tation environ­ne­mentale 2020 (RE2020) permet de satis­faire au critère NZEB-10% (Near Zero Energy Building) tandis que les bâtiments conformes à la régle­men­tation thermique 2012 (RT2012) doivent afficher une consom­mation d’énergie primaire (Cep) inférieure d’au moins 10% à la valeur Cepmax, fixée à 50kWhep/(m2.an).
  • Pour les bâtiments construits avant le 31 décembre 2020, plusieurs options sont possibles : disposer d’un diagnostic de perfor­mance énergé­tique (DPE) de classe A, faire partie des 15% des logements à perfor­mance énergé­tique élevée au niveau national ou régional (Cep inférieure à 135 kWhEP/m²/an en termes de consom­mation conven­tion­nelle), ou avoir un DPE de classe C et faire partie des 30% de ce même parc avec une Cep inférieure à 175 kWhEP/m²/an.
  • Pour les bâtiments construits après le 31 décembre 2020, il suffit de respecter les critères exigibles pour les bâtiments neufs.
  • Il convient de noter que les seuils relatifs aux bâtiments tertiaires ne sont pas encore définis.

En France, la loi Energie-Climat promulguée en novembre 2019 a fixé des objectifs ambitieux visant à développer les énergies renou­ve­lables, à lutter contre les bâtiments énergi­vores, à mettre en place de nouveaux outils de régulation et de pilotage, ainsi qu’à encadrer le secteur du gaz et de l’élec­tricité. L’article 29 de cette loi met l’accent sur la trans­pa­rence extra-financière et incite les inves­tis­seurs à adopter des pratiques d’inves­tis­sement plus respon­sables en prenant en compte les critères ESG.

A terme, l’objectif de ces nouvelles régle­men­ta­tions est d’amener les inves­tis­seurs et les entre­prises à publier des infor­ma­tions qui soient plus trans­pa­rentes, cohérentes, robustes, fiables et compa­rables.

Financer la transition : un défi pour l’industrie, une oppor­tunité pour les inves­tis­seurs 

L’urgence écolo­gique impose d’adapter l’urbanisme aux nouvelles condi­tions clima­tiques : mieux isoler les bâtiments et végéta­liser les immeubles… Les normes de construction et de rénovation apportent des solutions qui renforcent la durabilité des actifs, donc leur valeur.

Cependant, au-delà des aspects techniques, intégrer les critères ESG constitue un défi majeur pour les inves­tis­seurs et les opéra­teurs immobi­liers. Cela implique de prendre en compte des notions complexes telles que les droits humains, les condi­tions de travail, la diversité, l’éthique et la parti­ci­pation des parties prenantes. Il est pourtant dans leur intérêt de repenser leurs approches et de se former sur ces sujets, car l’impor­tance de la durabilité ne fera que croître. Ceux qui ne s’y adapteront pas risquent de mettre en danger leur renta­bilité à long terme.

La valeur verte : une notion trans­for­mative sur le marché immobilier

Depuis son émergence dans les années 2000, le concept de valeur verte retrouve aujourd’hui toute sa perti­nence. Selon l’Agence de l’envi­ron­nement et de la maîtrise de l’énergie [Ademe], cette notion englobe à la fois l’aug­men­tation de la valeur nette générée grâce à une meilleure perfor­mance environ­ne­mentale lors de la construction ou de la rénovation d’un bien immobilier selon les normes en vigueur, ainsi que la gestion des risques et la préser­vation de la valeur des actifs face aux dommages causés par les diffé­rents aléas clima­tiques. En d’autres termes, la création de valeur verte suppose non seulement de générer des bénéfices finan­ciers grâce à une approche durable, mais aussi de prévenir les pertes et de protéger la valeur des actifs en anticipant et en s’adaptant aux impacts du changement clima­tique.

Cela change profon­dément la donne : dans un contexte propice au dévelop­pement d’inves­tis­se­ments respon­sables, un inves­tisseur immobilier qui adopte une approche environ­ne­mentale rigou­reuse peut non seulement bénéficier de finan­ce­ments plus avantageux auprès des banques (green loans) ou émettre des obliga­tions vertes (green bonds) sur le marché obliga­taire, mais il peut également réduire les risques liés aux dommages environ­ne­mentaux. En préservant les actifs des effets néfastes du changement clima­tique, l’inves­tisseur immobilier peut protéger la valeur de ses inves­tis­se­ments à long terme. Ainsi, la création de valeur verte permet à la fois d’obtenir des finan­ce­ments avantageux et de préserver les actifs des consé­quences négatives, offrant ainsi une perspective finan­cière plus solide pour des projets de plus grande envergure.

La création de valeur verte inter­vient à diffé­rentes phases : lors de la construction (lutte contre le gaspillage, recyclage des matériaux, gestion efficace de l’énergie, etc.) et lors de l’exploi­tation, où la rénovation et l’entretien régulier d’un parc immobilier permettent d’obtenir de meilleures perfor­mances énergé­tiques, réduisant ainsi la consom­mation d’énergie et les émissions de CO2. De plus, les charges immobi­lières sont réduites et l’inves­tisseur peut capita­liser sur des loyers plus stables. À long terme, cela se traduit par une valori­sation supérieure lors de la revente, ce qui a un impact sur la renta­bilité globale du projet. Un produit immobilier arborant un label ESG est plébiscité par le public et mis en avant auprès des inves­tis­seurs insti­tu­tionnels.

Les enjeux ESG sont désormais des consi­dé­ra­tions capita­lis­tiques. Les gestion­naires d’actifs ont compris l’impor­tance d’orienter leurs inves­tis­se­ments vers des émetteurs alignés avec les Objectifs de Dévelop­pement Durable. Cependant, l’intérêt va au-delà des aspects purement finan­ciers : la création de valeur verte permet également d’éviter les risques de réputation en proposant des produits immobi­liers inspirant confiance, à l’opposé des stratégies de green­wa­shing. Par consé­quent, les entre­prises qui présentent une image positive sur le plan social et environ­ne­mental bénéfi­cient d’un avantage concur­rentiel en termes de création de valeur.

La valeur verte dans l’immo­bilier est soutenue par plusieurs labels qui ciblent les critères ESG spéci­fiques au secteur. Le Global Real Estate Sustai­na­bility Benchmark (GRESB) a fait ses preuves, tandis que le Global Reporting Initiative (GRI) jouer également un rôle sur le marché immobilier. De plus, la grille ESG de Wüest Partner gagne progres­si­vement du terrain auprès des principaux acteurs du secteur immobilier en Suisse et en Allemagne. Selon l’Obser­va­toire de l’immo­bilier durable (OID), le label ISR continue de se développer. Il affichait 950 fonds ISR label­lisés à fin 2021, dont 54 fonds immobi­liers, repré­sentant un total de 33 milliards d’euros d’encours.

Maximiser la création de valeur verte dans le secteur immobilier : un savoir-faire 

Pour un inves­tisseur, la diffi­culté réside dans la collecte de données perti­nentes et fiables qui témoignent d’un impact réel en matière de dévelop­pement durable. La multitude d’indi­ca­teurs, de normes, de mesures, de notations et de métho­do­logies diffé­rentes complique la tâche et rend difficile la navigation dans ce paysage complexe. C’est pourquoi il est essentiel de s’appuyer sur des métho­do­logies robustes et automa­tisées qui permettent de mesurer les émissions de gaz à effet de serre et d’évaluer l’empreinte environ­ne­mentale. Ces métho­do­logies utilisent des indica­teurs précis, comme la consom­mation énergé­tique d’un bâtiment, le recyclage des déchets lors des travaux de rénovation, ou encore le bien-être des espaces de travail. La collecte de nombreuses données, y compris celles liées aux perfor­mances ESG, peut être complexe sans l’uti­li­sation d’outils d’auto­ma­ti­sation.

Les acteurs les plus engagés pourront s’appuyer sur l’expertise et les outils forgés par Wüest Partner pour atteindre leurs objectifs en matière de durabilité :

  • Wüest Visits qui recense et analyse les éléments liés à la construction d’un bâtiment, 
  • Wüest Climate qui analyse les émissions de CO2 d’un bâtiment, 
  • Wüest Dimen­sions qui réalise l’expertise immobi­lière en utilisant des méthodes telles que les discounted cash-flows ou la capita­li­sation, 
  • Wuest ESG qui offre une vue d’ensemble de la durabilité d’un bien immobilier (ou d’un porte­feuille), identifie le potentiel d’opti­mi­sation et produit un rapport ESG pour plus de trans­pa­rence et de nouvelles oppor­tu­nités. 

Il est également important de prendre en compte l’impact des activités des entre­prises et des fonds d’inves­tis­sement sur la biodi­versité, ainsi que sur l’ensemble des chaînes de valeur et des fournis­seurs. C’est là l’objectif ultime de la finance durable et de l’approche ESG. À l’avenir, il sera également néces­saire de compta­bi­liser les émissions de méthane, un défi supplé­men­taire. La France, par exemple, s’est engagée lors de la COP26 à réduire de 30% les émissions de méthane d’ici 2030 en rejoi­gnant la coalition Global Methane Pledge. De son côté, l’Union européenne envisage l’adoption d’une légis­lation visant à réduire les fuites de méthane provenant des combus­tibles fossiles. L’Europe vise la neutralité carbone à tous les niveaux d’ici 2050.

* NZEB : “Near Zero Energy Building”, concept dont l’objectif est d’évoluer vers des bâtiments zéro énergie et qui s’inscrit dans la stratégie de la Commission européen pour 205 

* CEPMAX : Indicateur qui définit l’exigence de consom­mation maximale. Cette exigence impose une consom­mation maximale à ne pas dépasser dans un bâtiment au cours de l’année, en prenant compte de 5 usages (chauffage, eau chaude sanitaire, clima­ti­sation, éclairage, autres systèmes). Cette valeur est fixée à 50kWhep/(m2.an), c’est une moyenne modulée suivant la zone clima­tique, l’altitude du bâtiment, ses carac­té­ris­tiques, son usage et es émissions de gaz à effet de serre.