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Défis et opportunités des centres commerciaux – retail 

17 décembre 2022

​Depuis leur apparition dans les années 1960, les nombreux centres commerciaux développés en France ont connu un grand et long succès auprès des consommateurs. Avec une offre de shopping riche, leur fréquentation a atteint des sommets en 2017 et 2018 mais tend à décliner depuis 2019. 

Les causes multiples d’un tel phénomène interrogent sur l’évolution de ce type de commerce et sur les incidences immobilières induites par cet affaiblissement. Si la rénovation des shoppings-centers est engagée, elle sera néanmoins longue et complexe suggérant un recours aux expertises en marketing, en organisation et en immobilier. 

L’importance des centres commerciaux dans le maillage territorial 

Durant cinq décennies, l’implantation territoriale des centres commerciaux en France n’a jamais cessé, notamment après la crise économique de 2008 avec un fort développement en périphérie des villes. Dix ans plus tard, on comptait 834 centres commerciaux de toutes tailles : 48% d’entre eux ayant plus de 20 magasins et services, 34% étant des centres importants avec plus de 40 boutiques, le reste étant réparti entre les centres commerciaux régionaux de plus de 80 magasins (11%) et les centres à thèmes ou de magasins d’usine (4%). Les très grands centres, dits « super régionaux », regroupent chacun plus de 150 commerces et services (3%). 

Aujourd’hui l’expression « centre commercial » illustre faussement la diversification des sites tant la multiplicité des configurations est large : centres à ciel ouvert (retail-park), villages de marques, centres mixtes avec intégration d’activités tertiaires, sportives, de restauration, de santé, de loisirs… Autant de concepts qui donnent à chaque centre commercial sa propre personnalité. 

Sur le plan économique, les chiffres du CNCC1 sont éloquents : 

  • l’activité commerciale génère chaque année un chiffre d’affaires d’environ 130 milliards d’euros, ce qui représente un quart du commerce de détail et 5% du PIB français, 
  • la fréquentation annuelle a souvent dépassé trois milliards de visites [par exemple, le centre des « Quatre Temps » à Paris La Défense a accueilli 42 millions de visiteurs en 2018], 
  • l’ensemble des centres contribue fortement à l’emploi local avec plus de 500 000 postes non délocalisables (450 000 emplois directs + 75.000 emplois indirects). 

Au total, ils représentent aujourd’hui 10% du nombre de commerces en France : 36.000 boutiques tenues par des indépendants, des franchisés et des succursalistes. A noter : la création de nouveaux centres a été fortement contenue ces dernières années compte tenu du dispositif de la loi Elan (10/01/2019) destiné à revitaliser les centres-villes et les centres-bourgs. 

Les centres commerciaux, facteur d’équilibre entre commerce et société civile ? 

Un centre commercial n’est pas seulement un espace d’approvisionnement. Il est aussi un lieu qui favorise la mixité et les rencontres où des relations se créent et des normes se diffusent. En connexion avec d’autres lieux urbains, les galeries marchandes ont radicalement changé les pratiques d’achat d’autrefois et les consommateurs viennent aussi, dans certains centres, pour se distraire, se soigner, travailler et se cultiver.   

Mais aussi, les centres commerciaux se sont ouverts aux initiatives locales : marchés de producteurs, circuits courts, forum de l’emploi, activités transgénérationnelles et accueil d’activités associatives. Espace marchand et espace social se confondent ainsi en un creuset de société avec, en toile de fond, la logique d’achat à laquelle on n’adhère pas systématiquement à chaque visite. 

En cœur de ville, le phénomène est inversé dans bien des cas : commerces en déshérence et désertification sociale qui édifient un « pôle-refouloir » vers les zones commerciales périphériques. 

Les shoppings-centers sont-ils en perte de vitesse ? 

Aujourd’hui, certains centres commerciaux affichent une vacance immobilière visible qui n’attire pas les badauds et, ailleurs, l’affluence est souvent liée à la nécessité de consommer dans l’hypermarché. C’est à partir de 2010 que la fréquentation a commencé à baisser avec cependant un rebond bien éphémère en 2018 dans les secteurs de la restauration, de la culture, des loisirs et de la santé-beauté. Mais le phénomène est bien là : déficit d’attractivité dans certains centres peu dynamiques, désertion de certaines enseignes –de prêt-à-porter notamment-, concurrence du e-commerce. 

Et si les grandes causes sont identifiées, crise sanitaire, perte de pouvoir d’achat et sentiment d’insécurité, il ne faut pas sous-estimer l’impulsion citoyenne pour une consommation plus responsable. Comme un goût d’authenticité et un intérêt certain pour le local, voire un retour au petit commerce. 

Au-delà de la baisse de fréquentation, un autre phénomène est intéressant à observer : la forte diminution du nombre de projets de création de centres commerciaux. En janvier 2022, la fédération Procos2 indique que le stock de projets à cinq ans poursuit sa décrue (moins de 3 millions de m2 contre 8 en 2009). Toutefois une nouvelle catégorie de centres commerciaux semble émerger, les « centres mixtes » associant aux commerces des logements et des bureaux. La légitimité économique et écologique des grands centres ne ferait-elle donc plus recette ? 

Malgré ce constat, une note positive a été émise en juin 2022 par le CNCC concernant la bonne tenue des chiffres d’affaires : « les clients viennent moins souvent mais remplissent mieux leur panier », d’autant que, malgré l’inflation, les taux de vacance restent encore stables pour les commerces présents. 

Quel avenir pour l’immobilier commercial ? 

En 2021, la courbe de l’investissement en immobilier commercial était en forte baisse (-30% rapportée à 2020). En pleine crise sanitaire, les investisseurs ont sûrement souhaité reporter nombre d’opérations de cession et d’acquisition en centres commerciaux. 

Après ces dernières années difficiles, les professionnels de l’immobilier commercial restent confiants. Leur optimisme pour l’avenir repose cependant sur la nécessité d’adapter les structures et les commerces aux nouvelles attentes avec des solutions concrètes, par exemple : 

  • moins de magasins mais d’une taille plus conséquente, 
  • ou bien davantage de boutiques plus petites et plus proches des clients, 
  • ou encore des magasins physiques combinés au commerce sur internet pour une part du CA. 

Dans tous les cas, les sites seront soumis à des reconversions qui supposent une grande flexibilité en matière de divisibilité des espaces et de répartition géographique des enseignes et des services ​​car, jusqu’à présent, les “services ajoutés” ont généralement été insérés dans les espaces disponibles, sans restructuration des locaux. Mais également, il faudra élaborer une intelligence nouvelle des mobilités et des flux, notamment induits par le télétravail. Par ailleurs, afin de soutenir économiquement les commerces, les coûts immobiliers devront diminuer en baissant les loyers et les charges par m2 et, pour cela, les baux commerciaux devront évoluer et gagner en souplesse car les activités du commerce sont fluctuantes. 

Entre commerce et immobilier, c’est un nouveau partage de la valeur qui constitue dorénavant un grand challenge pour les propriétaires fonciers et les autres acteurs des centres commerciaux. A noter : les gestionnaires de centres commerciaux sont en général d’importantes sociétés d’investissement immobilier (groupe Klepierre, Unibail-Rodamco par exemple) ou bien de grandes banques comme le Crédit Agricole. Certaines collectivités locales sont parfois impliquées, municipalités ou conseils départementaux. 

Face à cette situation comment les acteurs réagissent-ils ? 

Si beaucoup de gestionnaires restent encore attentistes, de nombreuses initiatives changent le paysage : 

  • à Plan-de-Campagne dans les Bouches-du-Rhône la société Barnéoud a engagé des travaux importants pour rendre le centre commercial plus attractif (embellissement de la galerie commerciale, nouveau parking, pôle de restauration, espace escape-game…), 
  • à Orléans en zone prioritaire, le centre Bolière bénéficie d’une rénovation structurelle souhaitée par la ville [extension immobilière, aménagement piéton, suppression d’une galerie désuète], 
  • autres exemples : à « Créteil-Soleil » dans le Val de Marne, à Grenoble au centre « Grand Place », à Montpellier au centre « Odysseum », etc… 

A Lyon, un de ces acteurs a défrayé la chronique ces dernières années en investissant massivement dans les centres commerciaux quand nombre d’investisseurs s’en écartaient. Il s’agit de Frédéric Merlin, jeune président de la Société des Grands Magasins (SGM) et propriétaire d’une dizaine de centres commerciaux (Kremlin-Bicêtre, Lille, Roubaix, Tourcoing, Mulhouse, Montigny-les-Bretonneux, Châlon-en-Champagne et Saint-Nazaire). Sa société, une foncière novatrice avec un CA de 600 M€, a dernièrement acquis la franchise de sept magasins Galeries Lafayette, à Grenoble, Dijon, Angers, Limoges, Reims et Le Mans, dont les actifs étaient en désuétude. Pour les redynamiser, la recette n’est pas compliquée : insérer de nouvelles enseignes, créer une offre de loisirs, de restauration et de culture, générer plus de flux. Un pari que cet investisseur est en passe de réussir. 

Par ailleurs, une logique de solidarité entre les grands acteurs voit progressivement le jour. Les fédérations de bailleurs ont signé une charte de bonne conduite vis-à-vis des enseignes et un fonds de solidarité pourra aider les commerces de détail en difficulté. C’est ainsi que, durant la pandémie, de nombreux restaurateurs ont pu bénéficier de formations en marketing digital. 

Le modèle s’est essoufflé et un mouvement de restructuration  est inéluctable 

Changer le modèle de business des centres commerciaux est devenu une nécessité, ce qui signifie : 

  • diversifier les points d’intérêt en attisant la curiosité des consommateurs, 
  • réévaluer les actions menées et mesurer l’impact réel sur les commerces, 
  • passer d’une gestion financiarisée à une démarche marketing pour augmenter la fréquentation, 
  • réinterroger les politiques de communication au filtre des attentes clients, 
  • faire correspondre les coûts fixes à la réalité de l’activité commerciale des boutiques, 
  • décentraliser l’organisation des foncières et des enseignes afin de rétablir la relation avec les acteurs locaux, notamment avec les responsables des centres commerciaux. 

La rénovation des centres commerciaux suppose une nouvelle organisation des espaces, sans compter d’éventuelles extensions immobilières. Dans cette perspective, les propriétaires fonciers, les gestionnaires de centres, les grandes enseignes, certaines entreprises et les élus locaux ont besoin d’expertises diverses pour réussir. 

Pour mener à bien le projet de reconversion d’un centre commercial il est nécessaire de disposer d’outils d’expertise immobilière en matière d’actifs de commerce pour bien cerner le contexte local. Les analyses économiques régionales, des données géolocalisées précises et certains indices spécifiques seront aussi très utiles pour identifier les bonnes solutions de la reconversion. 

Dans cette approche, la dimension du développement durable et des questions sociales est également importante à prendre en considération​​. S’engager concrètement dans une démarche ESG d’entreprise c’est aussi insérer dans son projet l’intégration environnementale, la continuité avec les mobilités douces, le sens de la citoyenneté, la prise de conscience de ce qu’est la consommation, la durabilité, la gestion des déchets, la lutte contre le greenwashing, l’inclusion sociale concernant notamment les minorités et les handicaps, la lutte contre les discriminations et le harcèlement… 

Sources :

[1] Le Conseil National des Centres Commerciaux est devenu La Fédération des Acteurs du Commerce dans les Territoires
[²] Procos : Fédération pour l’urbanisme et le développement du commerce spécialisé qui représente plus de 300 enseignes