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Les diffé­rents effets de l’inflation sur le marché  immobilier  

Dernière mise à jour: 22 avril 2025

Les taux d’inflation élevés peuvent avoir des effets diffé­rents sur le marché de l’immo­bilier. Cela dépend en grande partie de trois aspects :   
- L’inflation est-elle surcom­pensée par les augmen­ta­tions des loyers et des prix de l’immo­bilier (protection contre l’inflation) ?  
- Comment les taux d’intérêt vont-ils évoluer en raison de la hausse des taux d’inflation ?  
- Quels sont les facteurs qui se super­posent pour influencer le marché immobilier au moment où l’inflation est plus élevée ?    

Protection partielle contre l’inflation  

Les inves­tis­se­ments dans l’immo­bilier sont souvent réalisés dans l’optique d’une protection contre l’inflation. Un tel effet se produit lorsque les revenus locatifs et les prix de l’immo­bilier augmentent plus fortement que les prix à la consom­mation.   

Diverses études inter­na­tio­nales ont cherché à savoir si c’était effec­ti­vement le cas. Il s’avère que ces études menées au niveau national et inter­na­tional ont abouti à des résultats de recherche diver­gents pour des périodes d’obser­vation et des utili­sa­tions immobi­lières diffé­rentes (Funk 2012). Pour simplifier, on peut dire que sur le marché du logement, on peut très souvent (mais pas toujours) démontrer une protection contre l’inflation, que ce soit pour les prix des logements en propriété ou pour les loyers des appar­te­ments (voir entre autres Fama/Schwert 1977, Bargel 2009, Wüest Partner 2022).   

Dans la plupart des cas, les prix et les loyers ne réagissent aux taux d’inflation qu’avec un certain décalage, surtout lorsqu’ils apparaissent de manière inattendue.  

Pour les loyers commer­ciaux, les résultats des études sont beaucoup plus hétéro­gènes. Dans certains cas, une faible corré­lation entre les taux d’inflation et les loyers a pu être démontrée (Barber et al. 1997, Wüest Partner 2022), qui dépendait fortement de la période consi­dérée. Dans d’autres cas, aucun lien n’a pu être démontré (BulwienGesa 2010).   

En France, l’indexation des loyers des bureaux est déter­minée à 50% par l’indice des prix à la consom­mation, à 25% par l’évo­lution du PIB et à 25% par l’indice des prix de la construction. Ces deux derniers facteurs ont connu une crois­sance accélérée ces dernières années. Cet indice de référence combiné pour le marché des bureaux est appelé ILAT (ou indice des loyers des activités tertiaires). Comme on peut le constater, l’évo­lution de cet indice se situe entre les deux courbes, de sorte que l’évo­lution des loyers est supérieure à l’inflation, mais inférieure au PIB et à l’ICC.  

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Si nous examinons maintenant l’évo­lution des loyers contrac­tuels réels sur la base des données MSCI dispo­nibles pour la France, nous constatons que cette évolution est un peu plus nuancée. La raison en est qu’il existe un certain décalage dans l’ajus­tement des loyers en France : légalement, les loyers contrac­tuels ne peuvent être ajustés que tous les 3 ans, et même dans ce cas, l’aug­men­tation maximale est limitée à 10% par an.  

Pour résumer : nous nous attendons à une hausse de l’inflation, à une augmen­tation des coûts de construction, mais à un ralen­tis­sement de l’éco­nomie. Comme ce dernier facteur n’est inclus dans l’indice qu’à hauteur de 25 %, nous pouvons supposer que les loyers conti­nueront d’aug­menter à l’avenir.  

Objectifs d’inflation ajustés de la BCE  

L’inflation est l’un des principaux facteurs influençant l’évo­lution des taux d’intérêt, car la politique monétaire est largement guidée par l’inflation. Dans de nombreux pays, l’objectif principal de la politique monétaire est la stabilité du niveau des prix. La Banque centrale européenne (BCE) a récemment ajusté son objectif d’inflation : elle vise désormais une inflation des prix à la consom­mation de 2,0 % en moyenne à moyen terme.    

Auparavant, l’objectif était inférieur mais proche de 2,0 %. Cela signifie que la barre des 2 % ne constitue plus un plafond et que l’inflation pourrait, après une phase de valeurs basses, se situer au-dessus de cette barre pendant une période prolongée sans qu’il soit néces­saire de relever les taux d’intérêt. Cela signifie que la BCE peut continuer à mener une politique monétaire expan­sion­niste malgré une inflation tempo­rai­rement élevée. Avec la guerre d’invasion russe en Ukraine, la proba­bilité d’une politique monétaire très restrictive a diminué, ce qui pourrait avoir un impact encore plus grand sur les perfor­mances écono­miques qu’il ne l’est déjà en raison de la guerre et des taux d’inflation élevés.  

Il n’est pas possible de faire une évaluation concluante de l’impact spéci­fique des hausses de taux d’intérêt sur les valeurs immobi­lières. Dans ce domaine également, diverses études sont parvenues à des conclu­sions diffé­rentes. Comme pour les études de l’impact de l’inflation sur le marché immobilier, cela dépend de la période d’obser­vation, des taux d’intérêt consi­dérés (intérêts sur les obliga­tions d’État, taux hypothé­caires, etc.)   

Une étude récente menée en Suisse montre que la valeur de marché des immeubles résiden­tiels de rendement diminue de 14 % et celle des locaux commer­ciaux de 12 % si les rende­ments des obliga­tions d’État (échéance à 10 ans) doublent (ceteris paribus ; Wüest Partner 2021).  

Sensi­bilité aux taux d’intérêt dans l’immo­bilier  

Diffé­rents aspects doivent être pris en compte dans l’inter­pré­tation des résultats : en période de hausse des taux d’intérêt, les loyers augmentent généra­lement aussi, du moins lorsque l’éco­nomie se porte bien. L’aug­men­tation des revenus locatifs devrait compenser en partie le seul effet des taux d’intérêt sur les valeurs de marché. Les rende­ments du cash-flow net augmentent également avec la hausse des revenus locatifs. En consé­quence, la variation du rendement total en cas de hausse des taux est généra­lement inférieure à la variation des valeurs du marché due à la variation des taux.  

Facteurs se super­posant  

En principe, le marché immobilier français repose sur des bases stables, même si diffé­rents risques guettent les diffé­rents segments. Les points suivants en parti­culier décrivent les facteurs qui se super­posent actuel­lement :  

  • Sur le marché du logement et de la logis­tique, nous constatons une reprise dynamique (forte demande, aides promises pour stimuler le dévelop­pement, intérêt croissant des inves­tis­seurs pour ces catégories d’actifs et loyers dynamiques).  
      
  • Pour le marché des bureaux, on peut s’attendre à une conso­li­dation, avec une disparité entre le centre de Paris (notamment les 1er, 2e, 8e et 9e arron­dis­se­ments qui resteront très tendus) et les sites périphé­riques (qui perdront en dynamisme), y compris La Défense. Dans ce segment, l’emplacement, la qualité du bien et la perfor­mance énergé­tique feront partie des atouts les plus impor­tants.  
  • Le secteur du commerce de détail devient plus exigeant, les inves­tis­seurs deviennent plus sélectifs en termes de filiales, de qualité de l’emplacement et la qualité du centre en raison de l’impact du e‑commerce. Par ailleurs, l’impos­si­bilité de développer de nouveaux grands centres commer­ciaux dans un avenir proche pourrait également avoir un impact positif sur la valeur de ces classes d’actifs.  

Les expli­ca­tions ont montré qu’une inflation élevée peut avoir un impact sur l’immo­bilier de diffé­rentes manières. Ici aussi, comme presque toujours en matière d’immo­bilier, c’est le cas par cas qui compte. Quoi qu’il en soit, on peut dire à l’heure actuelle que le marché immobilier français est bien placé pour traverser les possibles turbu­lences à court ou moyen terme.  

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Sources :  

Barber, C./Robertson, D./Scott, A.(1997) : Property and Inflation : The Hedging Charac­te­ristics of U.K. Commercial Property, in : Journal of Real Estate Finance and Economics, 15/1 1997, p. 59–76.  
Bargel, M. (2009) : Wohnim­mo­bilien guter Schutz von Inflation, in : Postbank Research (éd.) : Research Spezial, juillet 2009, p. 3. 
BulwienGesa (2010) dans Immobilien Zeitung n°1 du 7 janvier 2010, p. 7.  
Fama, E.F./Schwer, G.W. (1977) : Asset Returns and Inflation, in : Journal of Financial Economics, 5e année, 1977, p. 115*146.  
Funk, B. (2012) : Immobilien zwischen Inflation und Deflation : Inflation Risk Management, in : Rottke, N.B./ Voigtländer, M. (éd.), Immobi­lien­wirt­schafts­lehre (Band II) : Ökonomie, p. 329–354. 
Wüest Partner (2021) : Immo-Monitoring 2021–1 (Winter-Update), étude spéciale : L’évo­lution des prix des immeubles de rapport expliquée écono­mi­quement. S.26–35.  

  

Wüest Partner (2022) : Immo-Monitoring 2022–2 (édition de printemps).