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Le télétravail: une analyse compa­rative entre la France et la Suisse

Dernière mise à jour: 12 September 2024

S’il est difficile de mesurer l’impact écono­mique et sociétal de la crise sanitaire actuelle, on peut toutefois affirmer avec certitude que le (premier) confi­nement a boule­versé nos rapports au travail, et de facto, nos attentes en matière de logement et de bureau. Certains diront que l’expérimentation « forcée » du télétravail a été une grande première pour un grand nombre d’entre nous. D’autres parleront tout simplement d’un accélé­rateur de tendance qui est en place depuis un certain nombre d’années déjà. En tout cas, le travail n’est plus ce lieu unique repré­senté par le bureau conven­tionnel. Et les entre­prises devront prendre en compte cette nouvelle donne dans l’organisation du travail et de leurs bureaux, un défi pour elles dans la mesure où il faudra concilier entre le bien-être des colla­bo­ra­teurs et l’optimisation des coûts.

Covid et confi­nement: point de bascule pour le télétravail?

Même si on observe des diffé­rences prononcées entre les pays en termes de mesures prises pour enrayer la pandémie, avoir une vision plus large de la crise collective que l’Europe est en train de traverser s’est imposée comme une nécessité à de nombreux acteurs de la branche immobi­lière. Comprendre et quantifier, c’est la mission que nous nous sommes donnés dans notre édition d’automne de l’Immo-Monitoring qui consacre un chapitre spécial sur le confi­nement et l’environnement de travail. Dans ce blog, Wüest Partner a voulu aller un peu plus loin en effec­tuant une analyse compa­rative entre la Suisse et la France pour laquelle l’impact du télétravail est devenu un sujet d’actualité brûlant depuis que la France est entrée en recon­fi­nement.

France/Suisse: des attentes similaires en termes de télétravail?

À partir d’une double enquête réalisée au cours de cet été auprès d’un échan­tillon repré­sen­tatif de 500 décision­naires d’entreprise et de 1’000 ménages en Suisse, Wüest Partner vient de publier une étude dans laquelle il a analysé l’organisation du travail au sein des entre­prises qui prévalait avant la crise sanitaire et celle qui pourrait être envisagée après [1]. Dans cette étude, le cabinet inter­na­tional de conseil dans l’immobilier effectue également une quanti­fi­cation des besoins exprimés en matière de surfaces de travail et de design des espaces. À l’instar de la Suisse, plusieurs études ont également commencé à évaluer l’impact du confi­nement sur l’environnement de travail en France. Parmi elles, on retrouve l’enquête des groupes Kardham, Savills et plus récemment celle réalisée par Perial AM en colla­bo­ration avec l’Institut IPSOS [2]. La plupart de ces études n’ont pas la prétention à être un sondage repré­sen­tatif de la population globale, mais leur objectif est de présenter des tendances globales sans prendre en compte certaines spéci­fi­cités.

L’engouement pour le télétravail se confirme …

Qu’il s’agisse de la France ou de la Suisse, l’engouement pour le télétravail se confirme nettement. Alors que la pratique régulière du télétravail a été minori­taire avant le premier confi­nement (entre 8% et 12% des personnes inter­rogées pour la Suisse et entre 7.5% à 25% des effectifs pour la France) [3], le travail à distance depuis le domicile lors du confi­nement a été perçu positi­vement aussi bien chez les salariés que les employeurs (avec 75% resp. 44% d’entre eux qui souhaitent recourir davantage au télétravail après la crise, côté Suisse). Les chiffres sont encore plus éloquents pour la France: cette part s’élève à 80% pour les répon­dants selon la dernière étude du Groupe Kardham et à 87% pour les décision­naires inter­rogés par Savills.

… mais il est moins favorable à l’épanouissement des jeunes travailleurs

Un bémol est toutefois à apporter dans ce bilan positif que dressent ces études sur l’expérience du télétravail: il semblerait que des diffé­rences entre les personnes vivant seules et les parents soient fortes dans les échan­tillons. Par exemple, pour la Suisse, les ménages avec enfants souhaitent télétra­vailler en moyenne deux jours et demi dans la semaine contre un seulement pour les céliba­taires. Si la qualité de vie des couples a augmenté pendant le confi­nement grâce à une économie sur le temps de transport, une meilleure gestion du rythme quotidien entre vie privée et vie profes­sion­nelle, et à un environ­nement de travail à domicile plus propice en termes d’aménagement, les céliba­taires émettent certaines réserves sur l’utilisation du télétravail intégral. L’accès à une pièce de travail qui soit adéquate pour télétra­vailler depuis la maison constitue en effet un frein majeur pour eux (par manque d’espace ou de moyens finan­ciers, 60% contre 31% pour les couples avec enfants). Ensuite, c’est le manque d’épanouissement faute d’échanges directs et informels avec les collègues de travail qui rend les céliba­taires moins enclins à télétra­vailler (90% contre 80% pour les couples avec enfants). Pour la France, Kardham constate également des diffé­rences d’expériences entre les parents et les « non-parents » dans son étude.

Le télétravail révolutionnera-t-il le bureau de demain?

2020 sera certai­nement l’année où nous aurions passé une grande partie de notre temps à la maison, confinés entre quatre murs. Et pour beaucoup d’entre nous, le télétravail nous a permis de prendre suffi­samment de recul pour porter un regard critique sur notre propre logement. Cette nécessité s’est imposée à de nombreux ménages en Suisse mais également en France. Le télétravail pourrait également révolu­tionner le bureau de demain. Il influencera les stratégies futures des entre­prises avec des bureaux qui seront, à l’avenir, peut-être moins grands, mais certai­nement mieux pensés et mieux placés pour satis­faire les besoins indivi­duels des colla­bo­ra­teurs. Un mixte entre bureaux cloisonnés, espaces colla­bo­ratifs et de concen­tration pourrait répondre à cette demande. Sans oublier le coworking qui pourrait venir compléter l’éventail possible de tous ces modes d’organisation de travail, avec à la clé un ancrage plus local et donc plus proche des lieux de vie des colla­bo­ra­teurs.

Quelles seront les perspec­tives si la crise sanitaire devient endémique?

Alors que c’était encore un mode de travail nouveau pour 4 français sur 10 au printemps dernier pendant le (premier) confi­nement [4], le télétravail intégral est appelé à durer au moins jusqu’à la fin de l’année. C’est du moins la volonté du ministère du Travail français de maintenir à domicile les employés dont le poste le permet 5 jours sur 5 pour enrayer cette deuxième vague. Ce recon­fi­nement suscite d’ailleurs bien des questions sur l’impact psycho­lo­gique du télétravail des salariés (isolement, anxiété, burn-out). Ce qui pourrait bien changer la donne, car on pourrait assister à un exode urbain avec des colla­bo­ra­teurs qui vont délaisser les grandes métro­poles pour aller se confiner en banlieue ou bien à la campagne et télétra­vailler au « vert ». Avec ce deuxième confi­nement, le bureau de demain doit incarner cette nouvelle normalité dans laquelle nous entrons : favoriser le bien-être des colla­bo­ra­teurs en leur offrant un mode de travail leur permettant d’être productifs, innovants et créatifs, tout en maintenant le lien social et les échanges sans oublier l’accessibilité, la techno­logie et la connec­tivité (audio, vidéo et internet). Nouvelles aspira­tions, nouveaux défis mais aussi nouvelles oppor­tu­nités….

Source

[1] Édition d’automne de l’Immo-Monitoring parue le 22 octobre 2020.
[2] Pour l’étude Perial AM, 661 employés de bureau ont été inter­rogés sur la base d’un échan­tillon repré­sen­tatif de la population française de 2’000 personnes âgées de 18 ans et plus entre le 21 et le 23 octobre 2020. L’étude du groupe Kardham a été réalisée de mars à août, auprès d’un échan­tillon de 3’050 colla­bo­ra­teurs de huit entre­prises françaises du tertiaire. Le panel des réponses indique une répar­tition équilibrée au niveau géogra­phique (Île-de-France et Province) et par genre (homme/femme). L’étude de Savills se base sur les réponses d’une centaine de chefs d’entreprises (utili­sa­trices de bureaux princi­pa­lement installées dans les grandes agglo­mé­ra­tions françaises) et de deux cents salariés.
[3] Le détail des chiffres pour la France sont les suivants: 7.5% des répon­dants pour Kardham, 18% des salariés télétra­vaillaient en moyenne 0.4 jour par semaine selon Perial AM/Ipsos et au plus un quart des effectifs concernés par le télétravail qui se limitait au maximum à une journée hebdo­ma­daire pour Savills.
[4] Étude du Think Thank Terra Nova.

Plus d’informations

Vous trouverez plus d’informations sur le thème du télétravail dans Immo-Monitoring 2019| 1 (édition d’automne). Ce édition peut être commandé ici.

Un autre article en français sur la durabilité et l’immobilier peut être trouvé ici.